Peinture toujours pour ce dernier volet des « Rencontres en Chine du Sud » de mai, consacré à Chen Ben. Né en 1959 à Canton, directeur de l’association des artistes du Guandong et farouchement attaché à sa région, Chen Ben est l’un des plus grands artistes contemporains de Chine du Sud, spécialiste de la peinture à l’huile. Il expose actuellement à la Kui Garden Gallery, une maison de 1922 à l’architecture occidentale dans le quartier de Dong Shan Kou, à découvrir absolument. En plus d’une série de photos, « Colorful Vitality » regroupe trente-cinq toiles sur le thème des poissons et des fleurs de lotus, traités à la peinture à l’huile entre 2000 et 2012. Le titre de l’expo semble une évidence tant l’explosion de couleurs est intense, tout comme la force et la vitalité des sujets. Jusqu’alors assez peu réceptive à ces thèmes traditionnels j’ai quitté les lieux totalement imprégnée de certaines toiles, les poissons sur fond bleu en particulier, et conquise par la simplicité et la gentillesse de Chen Ben et de Nikita Chan, la commissaire de l’exposition. Merci à tous les deux pour ce moment hors du temps, ainsi qu’à Kelvin pour son accueil à la galerie et Viviane pour son aide à la traduction.
Chen Ben quand et comment avez-vous commencé à peindre ?
A l’école primaire j’ai été repéré par mon instituteur et sélectionné pour participer à un programme d’enseignement du dessin un à deux jours par semaine. J’ai alors appris la technique et éprouvé de plus en plus d’intérêt pour l’art. Au collège j’ai poursuivi un programme de dessin et de peinture en plus des cours normaux, et ai ensuite eu la chance d’étudier la peinture à l’huile auprès d’une grande artiste, Mme Xu Jianbai, relation d’une amie de ma mère. Elle ne prenait pas d’élève à l’époque mais a accepté de faire une exception et j’ai étudié une dizaine d’années à ses côtés, jusqu’à ce qu’elle parte vivre aux Etats-Unis où elle est toujours aujourd’hui. J’aurais pu passer les examens pour être accepté dans une école d’Art en Chine mais j’ai préféré travailler auprès de ma professeur car craignais que les programmes de l’école ne soient trop académiques ; je souhaitais rechercher mon propre style. J’ai ensuite participé régulièrement à des expositions d’Art organisées par le gouvernement chinois, et ai été choisi pour devenir membre de l’association d’artistes du Guangdong, dont je suis aujourd’hui le directeur. Elle compte environ 2000 artistes, dont 1000 à Canton.
En tant que président de l’association d’artistes du Guangdong, comment voyez-vous le fait d’être un artiste de Chine du Sud aujourd’hui ?
Ce n’est pas particulièrement facile. La culture artistique est différente en Chine du Nord, où le focus est davantage mis sur l’aspect politique de l’art. Loin de Pékin et de Shanghai nous devons lutter contre le cliché d’un « art du sud » centré uniquement sur la peinture traditionnelle ; il n’est pas toujours facile d’établir sa propre réputation. Les artistes du sud ne peignent pas uniquement des montagnes !
Votre exposition « Colorful Vitality » s’articule justement autour de deux thèmes traditionnels : les poissons et les fleurs de lotus, avec des oeuvres qui s’étalent entre 2000 et 2012. Pourquoi ce choix ?
Le lotus et les poissons sont essentiels dans l’art de vivre du Guangdong. A Canton ou à Shunde les gens aiment les poissons, et admirent l’esprit du lotus. Ce sont donc deux symboles de mon pays et de ma région, qui m’ont inspiré et que j’interprète à ma manière. J’aime beaucoup l’idée de m’exprimer au niveau international avec les symboles de mon propre pays.
Vous avez exposé plusieurs fois en France, peint la fresque du Sofitel de Canton et même réalisé le portrait de Nicolas Sarkozy : avez-vous une connivence particulière avec la France ?
J’ai réalisé un tour d’Europe il y a dix ans, et retrouvé par hasard un ami qui avait étudié le dessin avec moi et m’a recommandé d’exposer à Paris. J’ai alors postulé et reçu la proposition de présenter une toile pour le centième anniversaire du Salon d’Automne de Paris en 2003. J’y ai présenté deux photographies l’année suivante, puis ai été invité en 2008 à exposer en solo par la radio France Bleue, qui sélectionnait pour la première fois un peintre étranger.
L’idéé du portrait de Nicolas Sarkozy est venue de cette exposition, où je présentais des toiles et des portraits en relation avec le tremblement de terre du Sichuan. On m’a lors demandé sur un ton de provocation amicale si je parviendrais à peindre des étrangers et pas seulement des asiatiques. J’ai donc peint le Président de la République !
(Je n’ai pas réussi par contre à savoir si le portrait de Ao-lang-de etait commencé, pour décorer le nouveau bureau présidentiel… »Maybe maybe… »)
Quand au Sofitel, lorsque j’ai su que ce grand hôtel en construction était français j’ai souhaité concourir pour la fresque du lobby, et j’ai eu la chance d’être choisi.
Nikita Chan, commissaire de l’exposition me confie alors en complément : « Je connais bien Chen Ben, et peux t’assurer qu’il m’a souvent dit « I wish I was born French ». Il adore la France, où les artistes sont très respectés, adore le vin rouge et assure parfois sur le ton de la blague qu’il a du vin rouge dans les veines ».
Quels sont vos projets après cette exposition ?
Je pense passer à autre chose et ai envie de travailler davantage sur les relations sociales et la philosophie de la Chine et de l’Occident. Il serait intéressant par exemple de faire coexister sur un tableau Simone de Beauvoir et le président Mao. Je souhaite montrer à la jeune génération quelle était la façon de penser des jeunes durant la Révolution Culturelle, et leur faire prendre conscience de l’histoire.
Propos recueillis en chinois avec l’appui d’une traductrice chinois-anglais.
« Colorful Vitality », Chen Ben Art Solo Exhibition, jusqu’au 15 juin, de 10 à 22h.
Kui Garden Gallery, 9 Xuguyuan Lu, Yuexiu District (galerie et café)
Tel : 020-8765 9746, [email protected]
http://www.douban.com/people/kuiyuan1922/