(Billet rédigé peu de temps après notre rassemblement...)
Pour une fois, il ne pleuvait pas au grand rassemblement de notre OAA (association d'adoption), qui s'était déroulé comme à son habitude (2 fois par an) dans un grand manoir normand. Pour une fois, le soleil brillait sans complèxes, les lilas en fleurs resplendissaient, et les enfants pouvaient profiter pleinement du grand parc.
Comme à chaque fois, j'ai vécu bien des joies et des émotions. L'équipe de notre OAA était quasi au complet et dans la bonne humeur, et le manoir était plein à craquer !
Des émotions, j'en ai vécu de toutes sortes. En tant que maman adoptive et en tant que bénévole d'association. Emotions donc, et grande satisfaction et soulagement de voir enfin rigoler et courir pour la première fois des enfants fraîchement arrivés d'Inde qui nous ont demandé bien des efforts.
Emotions de retrouver des familles qui n'étaient pas venues depuis longtemps, et dont les enfants grandissent et s'épanouissent...
Grands plaisirs de me faire irradier par le bonheur des parents fiers de leurs enfants. Plaisirs, gratitude et courage pour la suite de sentir la confiance et les espoirs de nos postulants qui s'accrochent, malgré les craintes que doivent générer la nouvelle procédure centralisée en Inde et l'actualité de l'adoption internationale bien morose en 2012.
Intense émotion de maman de voir mon petit Gabriel retrouver pour la première fois en France deux de ses copains avec qui il avait vécu à l'orphelinat. Les yeux remplis d'étoiles, Gabriel leur serre gravement la main, à tour de rôle comme il m'avait dit qu'il aurait aimé le faire si un jour il devait retrouver son super pote B qui coule des jours heureux aux USA... L'aîné se souvenait bien de mon fiston, nous raconte quelques anecdotes qui me font vibrer. Et Gabriel a passé son après-midi à jouer avec le benjamin, à des jeux que nous ne lui connaissions pas, sans doute ceux qu'il avait l'habitude de faire là-bas ! Peu de temps après les retrouvailles, je retrouve ce petit groupe, encore un peu timide à hésiter encore à jouer ensemble. Je m'éloigne, pour faire le tour du manoir, et subitement je me fais doubler par mon junior et son camarade des bancs d'orphelinats qui piquent un sprint ensemble, chacun enivré par le plaisir de cette course commune. Je les regarde s'éloigner avec une grande émotion et beaucoup de bonheur...
Je les retrouve de l'autre côté du manoir, comme c..l et chemise affairés à toutes sortes de petits jeux en binôme, un grand sourire aux lèvres !
Intense émotion maman et de EdEusienne en visionnant samedi soir en pointillés le reportage passé sur M6 d'une de mes familles adoptives, avec Gabriel sur les genoux. Gabriel regardait ça comme si c'était sa propre histoire, et il revivait les émotions qu'il avait eu lors de son propre voyage avec nous, comme s'il faisait un flashback... Et moi aussi, mes émotions et mes souvenirs remontaient, j'avais l'impression de ré-adopter Gabriel. Quel chemin parcouru depuis, que d'amour entre nous, d'équilibre dans notre famille, de progrès et d'efforts de sa part...
Et puis, pendant la journée, j'ai pris plaisir à me promener parmi les enfants pendant que les adultes déjeunaient. J'étais étonnée de ne pas voir beaucoup d'enfants courir, se chamailler comme d'habitude. Non, ils étaient assis en petits groupes ou en binômes sous les pommiers ou dans des petits coins du parc, et discutaient calmement. En passant à côté de deux filles, je les entends dire "En France, il y a plus de glaces !". Un peu plus loin, deux ptits gars entament une conversation avec moi :
"Moi je suis indien !"
"Oui, mais maintenant tu es français, d'origine indienne. Tu en as de la chance d'avoir deux pays aussi formidables dans ta vie !"
"Oui mais l'Inde c'est mieux !"
"Ah oui pourquoi ?"
"Pasqu'il y fait plus chaud, ici il fait froid !"
On rigole... Et moi je m'éloigne en imaginant tous les indiens qui dégoulinent de sueur en ce moment, dans l'infernale période des pré-moussons où la température tourne autour de 40°C !
Quel plaisir j'ai eu à voir tous ces enfants se retrouver et pouvoir partager avec eux ces précieuses retrouvailles... Quel plaisir j'ai à entendre les parents raconter toutes leurs petites anecdotes. Ces petits moments restent des pépites, on est hors du temps, le mélange sucré salé entre mon stress et leur bonheur est un pure délice...
Mes enfants eux aussi ont profité à fond de leur weekend, ils ont plein de nouveaux amis, et aimeraient bien y retourner tous les 15 jours s'ils le pouvaient ! Ma fille a une nouvelle copine adoptée en Lituanie, et maintenant elle veut tout savoir de ce pays et de ses adoptions ! Mon fiston aîné, lui, a copiné avec un nouveau copain d'une ville qui lui étaie inconnue en Inde, et mon junior s'est roulé dans l'herbe avec un petit du Mizo'. Et Nishal aimerait bien qu'on adopte une petite poupée du Mizoram avec un visage aussi rond et craquant que les deux pitchounettes fraichement arrivées ! Scarlett elle, adore les yeux bridés, elle trouve ça bien plus joli que les yeux "normaux"...
Mon coeur de maman est comblé de voir mes enfants partager avec tant de curiosité ma passion pour l'adoption. Nishal a aussi décidé que lui aussi sera bénévole dans l'adoption quand il sera grand, si sa femme travaille et gagne assez de sous bien sûr... (dites vous que c'est toujours mieux que son plan de carrière précédent : aller éplucher les légumes chez les gens !!!).
Ce soir à table (le lendemain soir après le rassemblement), les nouveaux copains du manoir ont suscité bien des interrogations à mes aînés. Nous avons parlé de l'Inde, du child labour, de la pauvreté, de la condition des femmes, la dot et bien sûr d'adoption. Les questions des enfants fusent : détails sur mon travail de bénévole, comment se passent les abandons, les retrouvailles impossibles, la vie qu'ils auraient pu avoir en Inde dans le meilleur et le pire... Et subitement, la vague, le coming out de la grande tristesse. Un enfant inconsolable. En grandissant, ils comprennent mieux, et l'émotion qui va avec coule subitement à flots.
Consoler l'inconsolable, partager et accompagner ce monstrueux et inévitable chagrin de début de deuil, devant les yeux tristes et ébahis des deux autres....
Rassurez-vous, à la date de la publication de ce billet, mon enfant n'a pas re-pleuré, et a retrouvé sa joie de vivre et son inscouciance, le sujet est clos pour l'instant. Mais je sais qu'au fond lui il y a cette blessure bien cachée qui saigne occasionnellement. Elle l'aide aussi à être sensible et réceptif aux souffrances de ses camarades qui souffrent pour d'autres raisons, et à avoir de l'empathie que bien des adultes sont incapable de ressentir encore !
En pensant aux enfants adoptés, petits et grands, qui eux sont dans une grande souffrance permanente, je prie pour que leurs blessures deviennent leur force et les aident à avancer dans la vie, plutôt que de les freiner ou de les mettre à un standstill...