Magazine Journal intime

Brèves d’un site de rencontres : de la rencontre boum boum à la rencontre foireuse, y’a qu’un pas

Publié le 28 mai 2012 par Anaïs Valente

Il me dit « oooooh, tu veux aller au ciné voir ce film, attends, on va y aller ensemble, ça serait cool non ? ».  Alors je ne vais pas au ciné, j’attends le week-end suivant, pour qu’il m’accompagne, ça sera trop cool trop chouette trop génial trop sympa.

On discute depuis quelques jours et c’est agréable.  Pas de gros sous-entendus lubriques, pas de messages phonétiques incompréhensibles, pas de discussions qui tournent court après trois mots passqu’on n’a rien à se dire, pas de questions bateau genre « pourkwaaaa t’es célibataire ? »  On a plein de goûts communs, même que c’en est stupéfiant d’aimer autant les mêmes choses, la discussion va bon train, sur tous les sujets, du plus comique au plus dramatique.  En attendant notre séance ciné, chaque soir, nous bavardons durant plus de trois heures.  Cela devient presque un rituel.  Un rendez-vous attendu impatiemment.

Le jour venu, comme convenu, je lui envoie le modus operandi de notre rencontre.  Heure, endroit, et patati et patata.  Je demande confirmation de sa part, pour être sûre.

Il ne me répond pas de toute la journée, mais je ne me formalise pas, malgré un léger mauvais pressentiment, que je mets sur le compte de mon pessimisme aigu.  Et puis c’est prévu de longue date, ce rendez-vous, même s’il a été reporté de 24 heures, because la distraction du monsieur (là le mauvais pressentiment revient à la vitesse d’un train Namur-Dinant quand les voies sont pas encombrées par des trains toxiques).

Une heure avant l’heure, je me prépare un chouia, histoire d’être potable pour la rencontre du siècle.  Et vous le savez, la préparation d’un rendez-vous est complexe : choix des fringues, être à l’aise sans avoir l’air d’être en pyjama, maquillage ou pas, juste milieu entre « négligé » et « voiture volée », soupçon de parfum, chaussures confortables (pour sexy, on repassera, vu que les talons ne sont pas mes amis, j’ai pas de shoes sexy), discipliner ces cheveux que je rêve raides mais qui sont rebelles, vérifier dix fois dans la glace que je n’ai pas un brin de ciboulette entre les incisives, vérifier dix fois dans la glace que j’ai pas l’air d’un bonhomme michelin, vérifier dix fois dans la glace que l’étiquette de mon top ne dépasse pas, vérifier dix fois dans la glace que, que, et encore que…

Sans compter que j’ai un peu aspiré, un peu nettoyé, pour le cas où il viendrait boire un dernier verre chez moi après le feu d’artifice (nan, pas pour voir mes estampes japonaises, j’ai dit boire un verre).  Et puis j’ai mis du vin au frigo.  Et préparé une fritata et des financiers aux framboises, pas vraiment pour l’occasion, faut pas pousser bobonne dans les orties surtout quand elle n’a pas de culotte, mais ça pourra servir si on a une petite faim en fin de soirée.  Je sais, chuis une parfaite petite femme au foyer, on me le dit toujours, ordonnée, bonne cuisinière, bonne ménagère, bonne à marier, et tout et tout.

Une fois fin prête,  je retourne au salon, attendre mon prince charmant.

Oups, un appel en attente. 

Emanant de son numéro.

Et un message.

Une voix féminine.

Argh, voilà, je m’en doutais, c’était trop beau pour être vrai, il est marié et sa femme hystérique a repéré son manège et va me passer un savon.

Ou alors c’est sa mère qui veut s’assurer que je suis une fille bien.

Ah ben non, c’est pas sa femme, c’est pas sa mère, mais une personne s’annonçant comme une amie, laquelle propose de remplacer notre soirée cinéma en tête-à-tête par un barbecue avec mon monsieur, elle-même et son monsieur à elle.

Euh euh euh, j’en perds mes mots.  C’est quoi ce message à la noix de coco ?

Passque bon, pour ma part, un premier rendez-vous quand on se connaît pas « en vrai », ben ça se fait en tête-à-tête.  A deux.  Lui et moi.  Histoire de faire connaissance.  Et passque bon, s’il veut me faire une autre proposition, passe encore, même si je trouve ça un peu cavalier, pourquoi il appelle pas lui-même, avec sa voix d’homme, comme dans La Boum ?  Il est muet et me l’avait caché ?  Il parle pas français et est toujours accompagné de son interprète ?  Il est tellement timide que l’idée de me parler au téléphone le paralyse depuis l’avant-veille, alors, l’idée d’être seul avec moi, vous imaginez ?  Il est mort et on le bouffera en merguez le soir même durant le fameux barbecue ?

Bref, j’apprécie pas fort ce processus digne de l’école maternelle.  C’est une première pour moi, qu’un homme m’appelle par l’intermédiaire de quelqu’un d’autre.  Faut un début à tout ma bonne dame.

Chuis tellement stupéfaite que je ne réagis pas, espérant encore le voir arriver, une rose entre les dents, l’œil brillant, le cheveux propre, ou l’inverse, pour m’emmener, sur son cheval blanc, parcourir le monde… enfin aller au cinoche quoi.

Une heure plus tard, étant donné qu’il a bien évidemment zappé notre fabuleux rendez-vous devenu entre-temps un désastreux rendez-vous, j’obtiens l’explication de tout cela, via un mail laconique : il aurait un peu trop bu.  Punt aan de lijn.  Rien d’autre, débrouille-toi avec ça ma petite Anaïs. 

Il n’est donc ni muet, ni non-francophone, ni timide, ni mort, il est juste mort plein au point qu’il était plus capable de me parler au téléphone.  A peine s’il est capable de rédiger un mail, d’ailleurs, c’est dire...

Cool.  Trop cool.  Sa copine téléphoniste n’en avait pipé mot dans son message.  Sans doute  a-t-elle jugé qu’il valait mieux que je ne subisse pas sa voix pâteuse et son haleine alcoolisée en lui parlant directement, ah ben non, on n’a pas encore inventé les téléphones olfactifs, j’ai donc échappé au pire.

Le plus drôle dans tout ça, et ça va vous faire mourir de rire, c’est qu’il m’avait dit, lors d’une de nos longues conversations sur le net, qu’il ne supportait absolument pas les ceusses qui abusaient de l’alcool.  Ah ah ah, il a un fameux sens de l’humour, ce plus très charmant monsieur, ce potentiel prince redevenu crapaud. 

Depuis lors, silence total.

Mais bon, je ne vais pas lui en vouloir pour si peu, il doit encore cuver…

Alleye, j'ai pas tout perdu, c'était délicieux :

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