"Quelqu'un a créé la forêt pour que les enfants s'y perdent.
Appelons-le Dieu. Appelons-le Grimm le bicéphale.
Il l'a semée d'arbres noueux, irriguée de rivières dont les eaux donnent la vie et la mort, et enveloppée d'un voile de brouillard. Ensuite, il a suspendu au-dessus des arbres la lune et l'étoile Polaire, car il fallait que les enfants se perdent, mais pas complètement.
Puis il a lâché les loups.
Leur mission était simple: ils devaient rendre un culte à la lune et lui jouer de la musique, comme il convient aux fils de la nuit. Ah ! Et ils devaient aussi manger les enfants.
Sans se presser. Rien n'empêchait qu'ils les dévorent au croisement des chemins, les enfants d'abord, puis le petit panier, mais non sans les avoir auparavant dûment embobinés.
Là où les diables font le trafic des âmes, les loups (et parfois aussi les coyotes) s'amusent à changer la direction des pancartes. Ensuite, ils traversent la forêt, se déguisent et attendent, car c'est plus drôle ainsi. Et aussi parce que leur contrat exige qu'ils laissent le temps au chaseur d'arriver; le chasseur, cet habile chirurgien capable d'ouvrir des ventres, d'en extirper des grands-mères et de recoudre des loups pleins de pierres sans que le patient en ressente la moindre gêne.
C'est que Dieu ou Grimm bicéphale, sans parler d'Andersen, ne voulaient pas malgré tout que les enfants se perdent trop. N'ont-ils pas laissé la lune et l'étoile Polaire allumées ? N'ont-ils pas laissé la porte de l'armoire fermée ?
Ce qu'ils cherchaient en réalité, aussi triste que cela paraisse, c'était de les aider à grandir.
Si vous n'êtes pas convaincu, allez donc demander à Bettelheim. Mais vous pouvez vous épargner le voyage: il vous dira que oui. Il vous rappellera que lorsque vous êtes sorti de la forêt de mots que votre père ou votre mère avait dressé autour de vous, juste avant de sombrer dans le sommeil, vous avez pensé: "Moi aussi je peux m'en sortir face au loup. Mon ours en peluche et moi, nous lui donnerons une bonne leçon." C'était leur intention, et en général cela a bien fonctionné depuis que la forêt est forêt et que les enfants sont enfants.
Cependant, il arrive que ce soit le loup qui se perde.
Lui qui connaît si bien les raccourcis. Lui qui rend un culte à la lune.
Il arrive aussi parfois que la lune joue à se cacher au plus profond des puits pour égarer ceux qui la suivent.
Et puis, dans certains cas, il arrive que les enfants croient être sortis de la forêt, grandissent comme prévu, mais qu'en réalité ils se trompent car ils sont toujours perdus dans la brume. Quand tout cela arrive, mieux vaut se préparer pour le voyage de sa vie."
-Alex Romero-
Une découverte "Au clair de Lune"
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"Eté mil huit cent soixante-huit, quelque part dans l' Grand Ouest
Il a sauté sur son cheval pour disparaître en un geste
La porte du saloon claque encore ; dehors, le vent fouette la poussière
Lui, il galope vers son sort sans jamais regarder derrière
Est-ce qu'il cherche ou est-ce qu'il fuit ? Est-il sûr ou incertain ?
Est-ce qu'il tente de rattraper ou d'échapper à son destin ?
A quoi ressemble son avenir ? Une évidence ou un mystère ?
Il se fabrique un empire, il est fait d'ombre ou de lumière
De l'ombre ou de la lumière
Lequel des deux nous éclaire ?
Je marche vers le soleil
Dans les couleurs de l'hiver
De l'ombre ou de la lumière
Depuis le temps que j'espère
Retrouver dans un sourire
Toutes les lois de l'univers
C'est l'hiver en deux mille huit, quelque part à Paris
J'ai démarré la voiture pour échapper à ce temps pourri
La porte du café tremble encore ; dehors, la pluie fouette le bitume
A chacun sa ruée vers l'or, j'accélère à travers la brume
Puisque mon temps est limité, mes choix doivent être à la hauteur
C'est une course contre la montre ou une course contre la peur
C'est toujours la même chevauchée, on vise la lueur droit devant
Même si cette quête est insensée, je cours pour me sentir vivant
De l'ombre ou de la lumière,
Lequel des deux nous éclaire ?
On marche vers le soleil
Dans les couleurs de l'hiver
De l'ombre ou de la lumière
Depuis le temps que j'espère
Retrouver dans un sourire
Toutes les lois de l'univers
On court à travers les siècles, mais c'est toujours la même chevauchée
As-tu peur que la route s'achève ?
Mais cette course est insensée
As-tu mis un nom sur toutes les lèvres... les lèvres ?
De l'ombre ou de la lumière
Des astres qui nous éclairent
On marche vers le soleil
Dans les couleurs de l'hiver
De l'ombre ou de la lumière
Depuis le temps qu'on espère
Retrouver dans un sourire
Toutes les lois de l'univers
Retrouver dans un sourire
Toutes les lois de l'univers"
-Calogero-
"Les phares des autos au loin sur les collines Les soirs d'hiver, dans l'au-delà noir des vallées, naissent comme des comètes, et puis déclinent et s'éteignent quand va virer leur destinée.
Ce sont les moments d'autres âmes inconnues, les passages d'existences à notre large, le signal des univers humains qui émergent à notre ciel, et puis qui rentrent dans l'obscur.
Ce sont des vies, qu'on ne saura jamais, d'étoiles, des embrasements et des agonies solaires; les phares prennent leur long-cours comme des voiles et se fondent en vous, grandes années-lumière."
extrait de: "Tous les grands ports ont des jardins zoologiques" de Marcel Thiry-
photos: Patrick Lecouffe
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Des nouvelles du Saint-Siège: