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La première fois

Publié le 18 mars 2008 par Didier T.
Quand je l'ai rencontrée, elle n'a pas crié gare. Elle était là, tout simplement. Posée là, impassible mais présente, comme si je n'avais pas été capable jusqu'alors de percevoir sa présence. Pas plus que je n'avais compris qu'elle était là pour moi, et uniquement pour moi. Fine, altière presque, et surtout, extrêmement discrète. Elle me plait, car elle n'apparait que quand j'ai le sourire. Comme si elle me demandait de le retrouver ce put.. de sourire que la vie essaie de me faire perdre, et que j'essaie de défendre, de faire exister, malgré les conneries quotidiennes et le temps qui passe. Et puis, ce soir, je suis passé voir Mika (pour ceux qui n'auraient pas suivi, Mika est MON pote, et il vit dans la même ville de merde que moi, et on se voit une fois par semaine, sinon ça va pas), et on a parlé, chantonné, je l'ai écouté jouer de la guitare, admiratif, comme toujours face aux choses qu'on ne sait et ne pourra pas faire soi-même. Et puis j'ai quitté son septième étage, j'ai appuyé sur le bouton de l'ascenseur, j'avais pas envie de me taper la descente à pieds, je suis fatigué, et je vieillis... et j'ai ouvert la porte de la cabine. Elle était là, en face de moi, dissimulée dans un mètre carré.
J'ai levé la tête et j'ai souri. Et là, elle s'est révélée dans toute sa splendeur, sa majesté. Fine comme un roseau, nourrie à la source de ce rire qui ne m'a jamais quitté et qui est en train de revenir grâce à elle.
Ma première ride.
Celle qui est juste au dessus de mes lèvres, celle que mon sourire a creusée, travaillée, préparée à apparaître pour la première fois dans le miroir de cet ascenseur niortais.
Et je l'aime, parce qu'elle est non pas un conclusion, mais le résultat de mes pitreries, de mes rêves, de mes conneries, de mes calembours inspirés par un père que j'adore, de mes journées à cuire sous le soleil d'une méditerranée qui restera toujours mienne, de mon rictus permanent venant toujours du côté gauche, parce que je suis gaucher, de ma joie de fils fier de sa maman, de ma tristesse avalée et qui ne m'a pas tué, de mes réveils un peu trop tôt pour voir mes fils ouvrir les yeux, de mes endormissements tardifs pour ne pas laisser gagner les démons nocturnes, de ces nuits dures où deux corps luttent et se conjuguent, de ces sourires forcées à cause d'un chèque de fin de mois, de cette attente d'une fin qui ne viendra que quand je l'aurai décidé.
Ma première ride ? C'est ma vie, mon premier autographe, la première trace du souvenir heureux que j'ai de ce qu'on m'a donné, et que j'ai pris.
Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

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