Deux jeunes Allemands chevelus. Un Américain, prof d’anglais à Medellín. Un Polonais qui parle cinq langues. Une Française qui s’est entichée d’un ingénieur irlandais. Deux Neo-zélandais patibulaires. Un Uruguayen sexagénaire et son Argentine de cœur. Une Argentine graphiste qui croque un autre cul blanc irlandais - pas le même que la Française. Et deux guides colombiens pour mener tout ce petit monde.
Une bien belle famille. Une quinzaine de personnes au total. Dont dix font le trajet entassés dans le même véhicule tout terrain avec banquettes latérales. Donc croisement de genoux.
Un faux départ pour cause de crevaison à Santa Marta, la ville à quelques kilomètres de Taganga, le vrai point de départ. Puis deux bonnes heures de route se déroulent. La première sur du bitume. RAS à l’exception des dépassements souvent douteux. La deuxième est une machine à laver. Soixante minutes de secousses sur les caillasses et dans la boue. La marmaille chouine et grimace un peu. L’odeur d’essence qui émane du réservoir vient gifler les intestins et l’oesophage de K-pu. Elle regarde la route, se ventile avec son éventail, regarde la route, se ventile, regarde, ventile, ventile, ventile. Et un bled apparaît.
Là, déjeuner. Et famille au grand complet.
Alors la route commence. Et la météo, cette princesse, pisseuse de merde, décide de rincer tout le monde. Mais bien. Brutal. Dix minutes après le départ. Genre douche. Palo de agua, comme disent les hispanophones.
Donc les fringues: rincées trempées. Les pompes tiennent le choc mais il faut traverser des cours d’eau. Le premier est comme au cinéma. Avec des gros cailloux qui permettent de faire la sauterelle. Mais le second a plus une gueule de cauchemar bien réel.
K-Macho, le guide, détend tout le monde.
De toute façon, il pleut des cordes.
Ok. Les pieds dans la flotte jusqu’aux genoux. Les pompes en éponge.
Puis grimpette, cerclée par la verdure. Les pieds dans la boue. À glisser, déraper à chaque pente un peu trop raide. À ressentir une étrange sensation à chaque virage en épingle qui annonce une nouvelle côte.
Une délicieuse envie de vomir ses poumons. Et régler, une bonne fois pour toutes, le problème de la respiration qui brûle la trachée et picote la moindre alvéole pulmonaire opérationnelle. À savoir des milliers. Des milliers de mini cocktails molotov qui brûlent dedans.
Avec la fatigue, les plans parfois s’intervertissent. Le ciel passe au premier plan, les feuillages s’estompent. La boue s’éloigne. Mais colle aux pompes, aux fringues, à la peau, partout.
Putain de sa race.
Un p’tit détail sur la bien belle famille. Toutes et tous des guerriers de la rando. Des vice-champions du monde du trek. Patagonie à cloche-pied. Afrique du Sud en roulade arrière. Australie en motocycles sans selle. Et au milieu, les Pieds Nickelés. Avec K-pu et Gomar. Vieux t-shirts en coton, Timberland, sac de patates urbain qui pèse un âne mort. Gomar crapahute avec la paire de tennis qu’elle utilise à Paname pour aller courir le dimanche.
Les Pieds Nickelés en rando.
Encore plus nul que Martine à la ferme.
Campement. Au bout de quelques heures. Et tout le monde tombe les fringues. Et K-Macho emmène toute la p’tite famille en vadrouille à deux pas, en tongs. Faire trempette dans une piscine naturelle. S’ouvrir l’appétit. Se laver avec l’eau de la nature.
Le soir venu, sur la grande table, après le dîner, Gomar sort son cahier et son stylo quatre couleurs. Et elle crobarde. D’abord n’importe quoi, qu’elle baptise Free Drugs Draw. Puis ce qu’elle voit.
Poirpom qui gratte.