Ce matin je pense pas à la queen et ce barnum que les anglais vont vivre. Franchement, je me serais pas vu anglais, quoique si j'avais été anglais eh bien j'aurais été anglais... On subit toujours son pays.
Mais les familles royales de tout poil m'ont toujours révulsé, je m'y ferai jamais à un roi, une reine, et celle là, à gerber ! Ce faste, ce protocole... T'es président, dans une sauterie officielle, touche-lui la manche à la gouine comme quelqu'un l'a fait et t'es mort, tu subis les foudres olympiennes du loufiat de l'étiquette & protocole de Buckingam et du Foreing Office. Shocking ! Crime de lèse-majesté ! Et ce pillage d'argent public, mon dieu qu'ils sont cons les peuples qui acceptent encore des rois !
Je pense pas plus à ce jeune canadien qui fait tilter le buzzer du net depuis hier, beau comme un dieu, cependant plus cruel et pervers que tous les démons de l'enfer réunis, il a zigouillé et démembré méthodiquement son amant avant d'en expédier les morceaux par la Poste aux 4 coins du Canada. Il s'est enfui de son pays et, tremblez braves gens, il est en France paraît-il. Facile à reconnaître car il est donc très très très beau, jeune, brun aux yeux bleux, peut s'habiller en fille, adore les T'shirts garçon Prada et a une montre sans aiguilles au poignet droit. Un pote d'H. Lecter...
Non ce matin je pense à "Théo", celui qu'on appelait Théo au lycée. Son père (sa mère aussi je crois ?) était instit dans un petit village près d'Amou. Aux dires des gens de l'époque faisait partie de ces instits "rudes", ces hussards de la République qui emmenaient les plus humbles au concours d'entrée à l'Ecole Normale, mais qui se faisaient une mission sacrée (laïquement) d'inculquer le savoir et les vertus de l'ordre républicain par "tous les moyens", qui, rencontrant "en mission" la difficulté en la personne de potaches récalcitrants ou moins "soumis & doux" que les autres, pouvaient pour ces cas-là user de moyens spéciaux, le sens de la discipline et de l'ordre établi devait obligatoirement entrer dans la caboche des durs à cuire, à grands coups de taloches sur le museau s'il le fallait.
Elevé donc "psycho-rigidement-sévère" par son géniteur le Théo c'est un doux euphémisme que de le dire ! L'était avec ma soeur au lycée d'Orthez, 5 classes au-dessus de moi (j'avais déjà du retard à l'allumage) et si je le voyais pas trop, une cour de récré nous séparant, j'entendais parler de lui, en bien, en très bien même. Petit/moyen de taille, maigre, il avait un physique banal, presque ingrat à cause de la pâleur extrême de sa peau, de ses traits anguleux accentués par une horrible coupe de cheveux blonds toujours militairement taillés en brosse rase et par d'incroyables fringues ringardes trop grandes pour lui, de sempiternels blousons à carreaux, à rayures, zippés jusqu'en haut, des futals "feu-au-plancher" et les mêmes pataugas 365 jours par an. J'en entendais parler car c'était un être paradoxal. Un génie sur le plan scolaire qu'aura au moment du bac "20 partout" : en latin, grec, philo, maths, anglais, etc. Qui sera major de la prestigieuse école des Chartes. Un génie également sur le plan des relations humaines. Il arrivait à se faire aimer de tout le monde malgré l'handicap de ses apparentes tares "physiques" car il était infiniment gentil et avait un jardin secret dont il faisait profiter ses amis : la zik !
Un génie en zik, éclectique, connaissant tout, aimant tout, ayant une collection de 30 cm ahurissante, tout genre : chanson française, anglaise, nord-américaine, pop (début) rock, jazz, classique... incroyable la discothèque de Théo. Et, qualité INCOMPARABLE, faisant connaître intelligemment "la nouveauté musicale" et la partageant avec ses potes. Ses parents, devant les résultats scolaires de leur rejeton ne refusaient jamais de lui filer un bifton pour qu'il s'achète un vinyl et il ne s'en privait pas le Théo...
Je pense à Théo ce matin car je venais d'entendre "Coton fields" à la radio, un peu avant l'aube et cette musique-là c'est Théo qui me l'a faite découvrir. C'est lui qui m'avait fait prendre pied musicalement pour la première fois en Amérique du Nord en me prêtant les disques de Félix Leclerc, de Woody Guthrie, Pete Seeger, Creedence et Elvis.
Y'a toujours des rencontres déterminantes dans une vie. Pour la musique, je dois énormément à ce vieux Théo... Il en a étonné du monde quand on l'a vu revenir au pays dans l'été 69. Il était donc chartiste, rue de la Sorbonne depuis déjà une année scolaire, ça, ça en jetait et on a vu débarquer ce mois d'août un mec qu'avait les douilles jusqu'aux épaules, qui ressemblait à Brian Wilson des Beach Boys, qu'avait des chemises à fleurs et un incroyable jean, méconnaissable le Théo, qu'avait 100 longueurs d'avance sur les gamins coincés et toujours soumis à l'autorité parentale que nous étions au patelin, oui, toujours sous l'éteignoir...
Théo l'avait fait sa révolution culturelle personnelle et familiale, l'avait vécu un tsunami perso en moins d'un an et ça lui réussissait foutrement bien, l'avait pas peur d'aller voir son dabe dans cette tenue. Il tenait le bon bout de la vie et ça faisait tellement plaisir à voir, ça nous en faisait baver d'envie, ça nous donnait tellement envie de vivre aussi...