Des mauvaises herbes récalcitrantes poussent au Québec

Publié le 02 juin 2012 par Nuage1962

A force de vouloir combattre ce qui est naturelle, a force de vouloir changer la nature, nous sommes au prise avec des problèmes plus important qu’avant
Nuage

Des mauvaises herbes récalcitrantes poussent au Québec

Ce plant de grande herbe à poux, qui a poussé en Ontario, a survécu à l’épandage de l’herbicide Roundup.

FOURNIE PAR PETER SIKKEMA, UNIVERSITÉ DE GUELPH

Marie Allard
La Presse

La présence de mauvaises herbes résistantes aux herbicides a été confirmée dans cinq localités du Québec l’été dernier, contre une seule en 2010. En Montérégie et dans les Laurentides, des plants de petite herbe à poux – dont le pollen cause le rhume des foins -, mais aussi de morelle noire de l’Est et d’amarante à racine rouge ont survécu à l’épandage d’herbicides dits du groupe 2.

«La résistance à ces herbicides passe souvent sous le radar, mais ça peut causer des problèmes aux producteurs agricoles», a expliqué à La Presse François Tardif, professeur au département de phytologie de l’Université de Guelph. C’est l’équipe de M. Tardif qui a formellement identifié ces plantes récalcitrantes à l’occasion de tests effectués en laboratoire, l’hiver dernier.

Dans la province, un total de six espèces résistantes à différents herbicides a été répertorié au fil des ans, a indiqué Danielle Bernier, agronome-malherbologiste au ministère de l’Agriculture (MAPAQ).

Le Québec n’est pas encore officiellement touché par la résistance au glyphosate, très populaire désherbant utilisé avec les semences génétiquement modifiées Roundup Ready de Monsanto, mais cela ne saurait tarder.

Deux mauvaises herbes résistantes au glyphosate ont été détectées en Ontario, soit la grande herbe à poux en 2009 et la vergerette du Canada en 2010.

«Dans le cas de la vergerette du Canada résistante au glyphosate, ç’a été comme une explosion, a illustré M. Tardif. On est passé d’un seul cas en 2010 à au moins une centaine de champs documentés présentement.»

Probablement déjà des cas au Québec

Chaque plant de vergerette produit «de 10 000 à 100 000 semences, qui peuvent se répandre par le vent à plus de 500 km», a indiqué le professeur.

L’arrivée au Québec de plants résistants venant de l’Ontario ou des États-Unis est donc prévisible, si ce n’est déjà fait.

«Cela nous préoccupe beaucoup, a confirmé Mme Bernier. Personne ne m’a encore envoyé de plant pour confirmation, mais ça ne m’étonnerait pas qu’il y en ait déjà. Les risques sont très élevés.»

Les pesticides agricoles les plus vendus au Québec en 2009 ont été les acides phosphoriques et leurs dérivés, ce qui comprend le glyphosate, avec 41,6% des ventes.

Ailleurs au Canada, l’émergence d’une troisième espèce résistante au glyphosate, le kochia, a été confirmée en janvier en Alberta par Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Sommet sur les plantes résistantes à Washington

Les États-Unis sont plus durement touchés par la propagation des mauvaises herbes résistantes aux herbicides, au point où la National Academy of Sciences a organisé un sommet national sur la question à Washington, le 10 mai. Plus de 380 mauvaises herbes résistantes sont répertoriées chez nos voisins du Sud.

«La résistance est devenue assez grave pour que les législateurs s’y intéressent, a dit M. Tardif, qui s’est rendu au sommet. Cela a un impact sur le déficit commercial des États-Unis, puisque les exportations de blé, de soya et de maïs sont importantes. Dans certains États du Sud, des producteurs ont perdu leur ferme parce qu’ils n’étaient plus capables de contrôler les mauvaises herbes et que les prêts leur ont été coupés.»

Pour mater les plantes résistantes, les agriculteurs font appel à d’autres herbicides ou à des cocktails d’herbicides, ce qui inquiète aussi.

«Dans le Midwest américain, certaines mauvaises herbes sont maintenant résistantes à quatre ou cinq groupes d’herbicides différents», a expliqué le professeur.

«La résistance des mauvaises herbes démontre que l’utilisation des herbicides a ses limites, a affirmé Christine Gingras, agronome et présidente de Vigilance OGM. Il serait franchement temps d’utiliser adéquatement la rotation des cultures et de revenir aux bonnes pratiques agro-environnementales.»

En chiffres

Localités québécoises où la présence de mauvaises herbes résistantes aux herbicides a été confirmée en 2011 et en 2012.

En Montérégie

-Upton: morelle noire de l’Est

-Saint-Mathieu: petite herbe à poux

-Saint-Valentin: petite herbe à poux

-Saint-Jean-sur-Richelieu: morelle noire de l’Est, petite herbe à poux

-Saint-Alexandre: petite herbe à poux et amarante à racine rouge

Dans les Laurentides

-Argenteuil: petite herbe à poux

Source: MAPAQ

Les cultures génétiquement modifiées au Québec, en 2011:

- 52% du soja, soit 157 500 hectares

- 74% du maïs-grain, soit 263 000 hectares

- 85% du canola, soit 14 450 hectares

Les cultures génétiquement modifiées dans le monde, en 2011:

- 26% du canola

- 32% du maïs

- 76% du soja

- 83% du coton

Un total de 160 millions d’hectares de cultures GM ont été recensés dans le monde en 2011, en hausse de 8% par rapport à 2010.

Source: OGM.gouv.qc.ca

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