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Je suis raciste

Publié le 04 juin 2012 par La Bienveillante @Ema_Dellorto

Depuis jeudi. Depuis que parler de blancs et de noirs c’est être raciste.

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Avant, c’était affirmer la supériorité des blancs sur les noirs.

Les temps changent.

On dirait presque, « je suis fière d’être raciste ».

Pas encore. Pas ce lundi. Bientôt.

Quand être raciste, ce sera, ne pas être color-blind.

Qui consiste à (un peu) : Nier l’existence d’histoires, de destins, d’expériences, d’opportunités différentes selon que l’on est noir ou blanc en France. Ou arabe. Ou…

Aujourd’hui, la personne qui garde mon chien quand je suis en déplacement, je l’aime.

Dans mon répertoire, son nom est « Madame Bambi ».

Elle me dit.

« J’ai été malmenée par une dame dans les transports publics aujourd’hui. Je l’ai à peine effleurée, elle a voulu me casser une bouteille sur la tête. Personne n’a bougé. Sauf un vieil homme arabe qui a pris ma défense. Alors quand on dit qu’on est raciste… »

J’attends la suite.

« … Elle était noire, cette dame. Donc on veut pas être raciste mais… »

Moi, déconcertée.

« Bah, c’est compliqué, elle était noire mais la personne qui vous a aidée était arabe, alors, bon, c’est compliqué ».

« Mais, elle était noire ».

Gentille femme. Quelqu’un de bien. Je n’ai pas insisté.

Au Mali, face à ce marchand de tongs en cuir, je négocie. Fort, fort, fort. Mon dernier prix.

Il répond « Bon, ok, puisque vous êtes nos colonisateurs ».

Pas contente, l’Ema, rictus dégouté, je suis sur le départ et ne lui prendrai pas ses chaussures.

Il rigole : « Je plaisante ».

Ouais, il rigolait vraiment. C’était de l’humour. Plutôt drôle, rétrospectivement.

Cette copine afro-antillaise, délaissée par les minets du lycée. Ambiance plus white que black. Un jour, elle s’est aperçue qu’elle avait un succès dingue parmi les mecs noirs. Invisible d’un côté, encensée de l’autre, elle ne pouvait pas hésiter.

A cette époque, toujours, ces deux amies franco-maghrébines dont les pères ne pouvaient pas vivre en France car n’y avaient jamais trouvé de travail à la hauteur de leurs compétences. Celle qui faisait le plus « arabe » était regardée comme une abrutie par nos professeurs. Cette année, elle était nominée aux Césars.

Dans ce collège de l’élite parisienne malheureusement situé à l’Est de Paris, y avait les classes de blancs et les autres. Les 5ème de 1 à 5 n’étaient constituées que de blancs. Le reste, c’était plus bigarré.

La vision de « Mémoires d’immigrés ». Le petit choc. De les voir, les maghrébins amenés sur le sol français, si peu combattifs. Pleutres, non. Acceptant leur sort, j’ose dire. Pas révoltés. Leurs gamins s’en chargent à leur place. J’aurais fait pareil. J’aurais été en colère.

Ces foyers maliens, qui faisaient vivre des villages au pays, les mecs restant quelques années pour repartir chez eux, remplacés par d’autres habitants de la contrée. Un manège, une parenthèse, un système économique. Le contrôle aux frontières a enrayé la machine. Ca ne les arrange pas forcément de vivre pour le restant de leurs jours dans ce si beau pays qu’est la France. Mais faut ce qu’il faut pour survivre.

Ce grand-père blanc immigré italien ayant fui le fascisme, le mien. Il n’a pas été discriminé. Ca n’a pas été facile, moins que pour les Français, plus que pour les immigrés polonais, il a été traité de macaroni, ça n’allait pas beaucoup plus loin.

Ce n’est pas ça.

Mais, il n’a jamais écrit un mot de français. Le test de citoyenneté, il l’aurait raté. 50 ans en France pourtant, c’est pas de la mauvaise volonté ?

Pourtant, tous les soirs, tous les soirs, on le trouvait devant « Des chiffres et des lettres ». Et ce n’était pas un féru de calcul mental.

Je suis raciste, mais mais comme on dit sur Facebook, it's complicated.


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