Il plantait des coeurs en effet. Plein de coeurs, à l'envie, au choix, à la demande, à la criée parfois. "Coeurs à planter, qui veut des coeurs, coeurs à planter !!!" La clientèle était nombreuse, il ne chômait pas souvent, il le regrettait parfois, il avait rarement une minute à lui... Non, il adorait ce qu'il faisait, il me l'a dit ce jour-là, brièvement, car m'a-t-il dit "un coeur à planter ça n'attend pas..." il ne regrettait rien. "Je plante des coeurs car les gens ne savent pas ou plus le faire, ou bien ils le font mal, ou sans goût, sans idée, à la petite sauvette, n'ont pas le coeur à ça..."
Les coeurs, continuait-il, ça se plante partout : dans les pelouses, sur les balcons, les toits, les terrasses, sur le bitume des trottoirs, dans les jardins, même dans les aquariums. Il en avait déjà planté un sur cette terrasse, en avant toit, on le voit bien sur la photo. La propriétaire - gourmande - de cette petite maison, lui en avait demandé trois. Il plantait des coeurs du 01 janvier au 31 décembre, qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, qu'il fasse grand beau temps comme ce jour où je le pris en photo. Il gagnait très bien sa vie. Les coeurs ne coûtaient presque rien au marché des coeurs. Y'en avait des sauvages aussi, à capturer à la montagne, au bord de l'océan ou en forêt. Il n'en manquait jamais.
Il plantait des coeurs. Il était planteur de coeurs "de père en fils depuis, depuis, depuis....très très longtemps, des générations", m'a-t-il avoué et sa fille, car il n'avait pas de fils, planterait des coeurs à son tour quand elle serait grande.