Je ne connaissais que très peu Jean Bottéro, et ma curiosité de ce qui est écrit sur le mythe, m'a conduit à découvrir cet universitaire et chercheur... Outre son oeuvre, sa biographie témoigne encore une fois de l'aveuglement que la religion peut produire chez ceux qui sont censés la représenter. Quand il s’agit de ma religion, j’en suis d’autant plus blessé !
Jean Bottéro nait à Vallauris (06) le 30 aout 1914. Enfant précoce, il entre, à 11 ans au séminaire de Nice, où il s'initie au latin, puis au grec. Après le
noviciat en 1931, il prend l’habit de dominicain, au prieuré de Saint-Maximin, à la Noël 1932.
Distingué par le père Lagrange, fondateur de l'Ecole biblique de Jérusalem, il est choisi pour reprendre le flambeau et interroger in situ le texte testamentaire.
Pendant le conflit mondial, il est bloqué à Saint-Maximin : il y enseigne la philosophie grecque, puis l'exégèse biblique, qu'il inaugure par l'étude de Job et de l'Ecclésiaste pour interroger la question du mal.
Cependant, lorsqu`il aborde avec la Genèse le récit du péché originel, son refus de le créditer d`un certificat d`historicité conduit à la rupture. Il est alors suspendu. À ce moment-là, il s`installe dans un couvent dominicain à Paris. Ne pouvant renoncer à l`étude, il reprend le projet du père Garrigou-Lagrange d`établissement au Proche-Orient. Apprenant seul l`akkadien (langue sémitique ancienne parlée en Mésopotamie), il traduit, avec l`appui de René Labat, professeur de philologie et d`histoire à l`École pratique des hautes études, le « Code de Hammurabi »
Poussé par Labat, Bottéro intègre le CNRS en 1947.
En 1950, il est contraint à demander sa « réduction à l`état laïque ». En effet, ses supérieurs religieux lui interdisent tout retour à Saint-Maximin car sa présence y étant tenue comme « un danger pour les jeunes ». Il quitte donc l`ordre des prêcheurs et le sacerdoce. (1 )
L’Eglise a perdu un “ bibliste ”, la science gagne un « assyriologue ».
Le mythe sumérien de l’Atrahasis ou Supersage
Texte sumérien (XVIIIème s. avant JC). à comparer avec le ' déluge biblique ' ..!
Travaux de Jean Bottéro.
Dans son livre ' Babylone et la Bible ' Jean Bottéro évoque l’influence décisive du maître Père Lagrange:
« C’est en effet au cours de ma dernière année de philosophie que j’ai fait la connaissance du P. Lagrange, qui avait quatre-vingts ans. Un des deux seuls hommes vraiment et totalement grands que j’ai rencontrés dans ma vie, pourtant longue, et qui en a vu défiler beaucoup – l’autre, c’est le P. Chenu. ( …)
Je n’étais pas tellement tourné vers l’exégèse – mais tout le monde avait un grand respect et une vive admiration pour cet homme. Il aimait qu’on lui pose des questions. Comme je redécouvrais Platon, à l’époque – je le lisais dans la collection Firmin-Didot –, je lui ai demandé si, selon lui, il fallait lire Platon. Il m’a répondu d’abord que la question avait quelque chose d’insidieux dans une maison où régnait Aristote ! Puis il a ajouté : “ Ce que je peux vous dire, c’est que Platon est le premier à avoir enseigné qu’il faut aller à la vérité de toute son âme. ” […] Le Père Lagrange m’a dit : “Apprenez d’abord l’allemand –c’est la première des langues sémitiques. »
(1)
De charactere historico trium priorum capitum Geneseos, sur le caractère historique des trois premiers chapitres de la Genèse (30 juin 1909) [AAS 1 (1909) 567-569]
Il est interdit de dire que les premiers chapitres de Genèse sont un mythe de la Création. Pour l'avoir dit, en 1954, dans un cours de formation biblique au séminaire dominicain d'Aix-en Provence, Jean Bottero sera interdit d'enseignement. Il quittera l'ordre et rejoindra une chaire d'assyriologie au CNRS. (Commission biblique pontificale)