Depuis que les violences ont éclaté dans ces deux États il y a un an, plus d'un demi-million de personnes ont été déplacées par les frappes aériennes incessantes lancées sans discernement par les forces armées soudanaises, ainsi que par de graves pénuries alimentaires aggravées par le refus des autorités soudanaises de laisser les organisations humanitaires apporter leur aide aux zones affectées.
Des dizaines de milliers de réfugiés ont fui au Soudan du Sud voisin, où ils risquent d'être confrontés à de nouvelles violations des droits fondamentaux et difficultés sur le plan humanitaire.
"La situation est désespérée et il ne reste pas beaucoup de temps pour s'assurer que les réfugiés bénéficient d'une protection adéquate et de denrées en quantité suffisante pendant la saison des pluies, qui dure six mois, et au cours de laquelle les contraintes logistiques dans le Soudan du Sud compromettront toute tentative d'aide. Cela fait désormais plus d'un an que le Conseil de sécurité des Nations unies tarde à réagir et regarde cette catastrophe s'amplifier. Il est temps pour lui de respecter son mandat et d'agir afin d'empêcher que cette terrible situation ne se détériore davantage. La Russie et la Chine en particulier doivent soutenir une réponse plus énergique de la part du Conseil de sécurité", a souligné Khairunissa Dhala, spécialiste du Soudan du Sud à Amnesty International.
Amnesty International s'est rendue dans huit camps de réfugiés du Soudan du Sud en mars et avril 2012; au-delà des pénuries d'eau et de nourriture, les résidents étaient exposés à des risques de violences sexuelles et de recrutement forcé dans des groupes armés.
Le rapport, intitulé "We can run away from bombs, but not from hunger: Sudan's refugees in South Sudan", rendu public jeudi 7 juin 2012, explique que certains réfugiés du camp de Yida, dans l'État d'Unité, ont par exemple attendu près de 10 heures avant de recevoir un conteneur d'eau ou encore trois semaines pour obtenir des rations alimentaires. Amnesty International a constaté par ailleurs qu'un pourcentage élevé des réfugiés étaient des mineurs non accompagnés ayant fui la violence afin de continuer leurs études, pour finalement découvrir que les institutions scolaires fonctionnent avec difficulté dans certains camps, et n'existent quasiment pas dans d'autres. Dans les camps de réfugiés de l'État du Haut-Nil, l'organisation a recueilli des témoignages faisant état du recrutement forcé de garçons et de jeunes gens au sein du Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord, un groupe d'opposition armée. Les jeunes filles et jeunes femmes du camp de Yida, arrivées seules pour beaucoup d'entre elles, ont parlé avec franchise de leur peur d'être violées et soumises à d'autres violences sexuelles.
Halima Ahmed, réfugiée dans ce camp, a ainsi déclaré à Amnesty International: "La nuit nous avons tout le temps peur. Des hommes et des garçons viennent souvent nous harceler. Parfois la police les fait partir. Une fois, au milieu de la nuit, un homme est entré dans notre chambre."
En dépit des risques, les recherches menées par Amnesty International ont montré que les personnes vivant dans les camps n'ont pas vraiment d'autres possibilités.
"Tant que les forces armées soudanaises continueront à commettre de graves atteintes au droit international humanitaire et relatif aux droits humains dans les États soudanais du Kordofan méridional et du Nil bleu, les gens n'ont pas beaucoup d'autres choix que de rester dans ces camps. Avec l'arrivée de la saison des pluies, le nombre de réfugiés dans les camps continue à augmenter, grevant des ressources déjà limitées. Près de 50 000 réfugiés sont arrivés au cours des six dernières semaines et d'autres seraient en route", a ajouté Khairunissa Dhala.
Amnesty International appelle par ailleurs les Nations unies à intensifier de toute urgence les initiatives de stockage de denrées humanitaires en vue de la saison des pluies, à renforcer les programmes d'éducation et à veiller à ce que des mesures de protection en faveur des femmes et des jeunes filles soient mises en place dans les camps de réfugiés.