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Veep, la série qu’on ne verra jamais à la TV française
Publié le 14 juin 2012 par VinshJulia Louis-Dreyfus est peut-être ma nouvelle déesse du lol. Oui, je suis en retard, mais j’ai mes raisons. Je ne sais pas pourquoi je n’entends pas davantage parler de Veep, la nouvelle série de HBO, certes un peu éclipsée ces derniers temps par le succès grandissant de Girls (un succès, d’ailleurs, visible essentiellement sur le web, alors que dans la vraie vie je galère encore un peu à croiser des gens qui connaissent les aventures d’Hannah Horvath et de ses copines). Enfin si, je m'en doute. Probablement une question de ségrégation des publics, qui se retrouve d’ailleurs globalement calquée, chez nous, sur les networks américains.
Quand les grosses machines d’ABC ou NBC, comédies familiales ou séries d’actions propres et ficelées, trouvent preneurs parmi les chaînes hertziennes françaises (Grey’s Anatomy, House, Desperate Housewives, CSI), les séries des chaînes du câble américain échouent, chez nous, sur des canaux et des tranches horaires plus confidentiels… voire nulle part. Ainsi qui d’autre que Canal+ ou les chaînes du câble pour diffuser Boardwalk Empire, Mad Men, Breaking Bad, Treme, Shameless ou Dexter à un rythme et un horaire décents ? Et encore, l’horaire et le rythme, c’est presque un autre problème : quand on voit que M6 s’apprête à diffuser les deux premières saisons de Modern Family en moins de deux mois, par paquets de deux épisodes en VF à 11h du matin, on peut quand même pleurer. Le vrai facteur clivant, c’est le canal utilisé : là où TF1 ou France 2 ne prendront pas trop de risques en matières de séries, une Paris Première ou une France 4 pourront tenter de glisser True Blood, Weeds (qui vient d'ailleurs d'être officiellement annulée) ou Nurse Jackie dans une grille moins "grand public", moins "de masse", et donc plus ouverte à des créations un peu plus segmentantes. Les enjeux publicitaires et la ligne éditoriale de ces chaînes le permet, en somme. Car quand le hertzien prend ce genre de risque, cela donne France 2 qui diffuse Six Feet Under à deux heures du mat’ en semaine ou Arte qui ose les Tudors en prime time. Bref, pas de carton d’audience possible pour les séries "de genre" un peu différentes en France.
C’est la malédiction de la série "hipster" qui, en plus, doit se battre pour garder son public captif pendant plus d’une saison, l’attrait de la nouveauté et la "confidentialité" des débuts jouant un rôle au moins aussi important qu’un pitch zarbi pour attirer le public adulte CSP+ urbain qui préfère regarder des séries de la BBC sur Jimmy aux Experts sur TF1…
Mais Veepn’entre pas vraiment dans cette catégorie des séries "hipsters" du câble suivies par des geeks, des sériphiles névrosés ou des early adopters autoproclamés. Enfin si, peut-être, mais pas autant que Girls. Le vrai problème de cette série, qui la condamne d’avance à une diffusion confidentielle en France (Uniquement par téléchargement et jamais en TV ? Ou peut-être une seconde partie de soirée sur Canal+ ou une quatrième partie de soirée sur France 4 ?), c’est qu’elle est… trop américaine. Un peu comme The West Wing, 30 Rock, Frasier ou Seinfeld (qui donna son heure de gloire à Julia Louis-Dreyfus au début des 90’s, justement), et même si c’est adapté d’une série britannique (The Thick of it) : c'est un humour et un phénomène culturel qui passe difficilement les frontières nationales au point de toucher un large public. Cela parle trop ouvertement de politique américaine, de culture américaine, de points de vue américains : pas celui de la culture de masse hégémonique assimilable facilement par tous les publics occidentaux, non ; plutôt l’humour américain, les références toutes les cinq répliques à une émission de TV ou une actualité de politique interne américaine dont on n’entend jamais parler de notre côté de l’Atlantique, et cette manière, si irritante et en même temps si irrésistible en V.O., de parler vite, tout le temps. Là où les Desperate Housewives avaient une diction impeccable genre cassettes audio de ta prof d'anglais de sixième pour le marché international ("Oh, hello Bree. How are you today ?" "I’m fine. But you know, there is something strange about the new neighbours" "Yeah, maybe they are terrorists" "Yes, and they tried to kill Lynette" "Oh my god ! Ok I have to go, it’s shopping time ! See you !"), les héros de Veep (et de la majorité des séries US câblées) sont très pénibles à suivre en V.O. non sous-titrée :"Blablabla Potus blablabla fuck blablabla commission blablablablablabla office blabla fired…". Un peu comme Game of Thrones, que j'ai pu expérimenter récemment sans sous-titres : "Blablabla my dragons blablablabla whore blablabla Sansa blablablabla battle blablablabla kill him blablabla the wall". Sans l’appui de professionnels (= diffuseurs et sous-titreurs compétents), c’est le genre galère.
Du coup, et comme je doute que France 2 ou Paris Première te servent cette série sur un plateau de VF avant un moment, je t’invite à tenter l’aventure grisante de Veep. Au premier épisode, j’avais un peu peur de ne pas être client de ce rythme et de cet humour, mais avec le soutien de sous-titres pas trop mal foutus, j’ai pris le pli, et franchement je me marre à chaque épisode. D’autant que, comme bien souvent, le pitch de la série (les aventures politiques de la vice-présidente des Etats-Unis et des membres-clés de son cabinet) nourrit une réflexion finalement profonde sur la vice-présidence américaine et sur le vie politique en général : à quoi sert-on lorsqu’on est en poste, comment les lobbys et jeux d’influence peuvent paralyser les meilleures intentions, comment certaines fonctions ont tellement d’apparat qu’on est porté à croire qu’elles n’ont finalement aucun pouvoir réel… Le casting s’amuse visiblement (notamment Tony Hale, vu dans Arrested development, et Anna Chlumsky, ex-enfant star vedette du cultissime My Girl) et les répliques méchantes et situations inextricables s’enchaînent, avec leur lot de conséquences toujours dévastatrices en apparence et si risibles au final (les seuls qui traquent la moindre erreur de la Veep semblent finalement être quelques journalistes zélés et lobbyistes bornés, le reste du monde semblant s’en foutre royalement), à l’image du running gag qui traverse les épisodes quasiment sans discontinuer :