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Max | L'oeil de Poséidon & coquillages et autres histoires

Publié le 16 juin 2012 par Aragon

Il y a fort longtemps, Poséidon perdit ici son oeil droit un jour de grand combat contre Cybèle. Je l'ai retrouvé par hasard en marchant le long de cette côte déchiquetée. Il était ouvert et fixait le grand large. Il ne m'a pas regardé. Je l'ai photographié, je l'ai offert ainsi, par la suite, à une amie. J'ai compris sur le moment qu'il valait mieux ne pas insister. Le lieu était oppressant, les rochers serrés semblaient tous restes de puissantes figures, torses déchirés, membres ravagés, peau, os, arêtes ou écailles géantes. Membres figés, mouillés ou secs, battus au jusant par des vents rugissants venant d'Angleterre. Granit rose, noir, d'acier parfois. Paysage marin peint et fauve ouvert sur des étiers.

L'empreinte de combats sans cesse répétés marquait encore parfaitement le lieu. Un vieux m'a dit plus tard que la baie était jonchée d'épaves en misère serrées. Il y en avait huit sur un mille nautique. Je suis donc parti sur la pointe des pieds. Des barques dansaient pourtant  à l'horizon, insouciantes et légères. J'ai pris le chemin du port et celui de la mer. Le bateau qui gîtait allait d'île en île, montrait aux courageux que nous étions en ce jour de ressac, de houles abouties, de parfaite inconstance, les merveilles redoutées de cette côte sauvage. Rochers, écueils arasants, baïonnettes dans l'eau, et la côte falaise contre laquelle la coquille de noix louvoyait sous l'à-pic des falaises de cent mètres de haut - nichoirs remplis de pingouins nains - nous semblait bien austère. Des forts de Monsieur de Vauban semés sur des îlots gris perpétuellement battus par les embruns, des phares sans hommes, guidaient notre navire, guident encore les équipages depuis qu'en ce lieu l'homme a conquis le droit de marcher sur la mer par la grâce des voiles, la puissance du vent. La course prit six heures et je revins au port.

Je rentrais au logis par la plage. Piscine dans la mer ! S'offrait à mon regard un étonnant plongeoir mémoire encore vivante du "front popu", des congés payés, de la vie au plein air offerte aux mômes des banlieues en ce temps d'avant apocalypse, par Léo Lagrange et Jean Zay le martyr . Comme ivre, je marchais dans des fragrances d'iode, des foisonnements d'algues multicolores, les nuages se sont arrêtés au-dessus de ma tête. Le crachin revenait. C'était bon. Coquillages bleutés, quartzs fascinants incrustés au granit cerclés de fragments d'or, pareils à des chicots géants pieux brise-lames en chêne noueux selon le dire du vieux rencontré sur la grève qui m'instruisait en ce jour, attaches étranges des bateaux semblables à cordons ombilicaux d'acier, fleurs sauvages, rochers ivres d'ajoncs, sables rugueux, bourrasques alliées, tout était extrordinaire, démesuré parfois, je ne me lassais pas. Je regardais sans fin les quatre horizons de ce pays marin et bien sûr de babord à tribord, je photographiais, je disputais à de criards goélands le droit de vivre, d'exister en plein vent le temps de mon passage en ces rochers sauvages.

Je ne me lasserai jamais de raconter la mer.

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© photos max capdeville


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