Nique ta mer

Publié le 27 mai 2012 par Guillaumemeurice

Les eaux internationales. Cette précieuse idée selon laquelle, au delà d’une certaine limite, l’espace maritime n’est plus la propriété exclusive, ni d’un organisme privé, ni d’un quelconque État souverain. Cette insolente juridiction qui, une fois n’est pas coutume, démontre que le concept de Nation n’est pas l’horizon indépassable de la destinée humaine. Cet endroit si rare que pour le trouver sur Terre, il convient de prendre la mer.

C’est en ces lieues symboliques que, dans le fracas apocalyptique d’une tempête anodine, se brisa la coque du tristement célèbre Érika ; en même temps que le destin de milliers d’êtres vivants dans une zone bientôt souillée par l’hydrocarbure vomi du ventre de la carcasse engloutie. Plus de 150 000 oiseaux, tel l’albatros de Baudelairece voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid – luttant contre le fioul. Des centaines de bénévoles soucieux de l’environnement, habitués aux risées du système productiviste, contraints de nettoyer chaque rocher de chaque parcelle de plage, chaque plume de chaque volatile agonisant. L’écolo est semblable au prince des nuées, qui hante la tempête et se rit de l’archer. Exilé sur le sol au milieu des huées, ses bottes de mazout l’empêchent de marcher.

Depuis ce jour de décembre 1999, la bataille des prétoires fait rage pour définir le nom des responsables de ce désastre pas seulement négligemment écologique, mais surtout affreusement économique. Qui pour se porter garant d’un navire battant pavillon maltais, appartenant à une entreprise italienne, affrété par la firme Total, sombrant au large de la France mais hors de la compétence juridique de ce pays ? L’heure fut venue d’un procès rocambolesque aux réquisitoires englués dans le droit maritime. Chacun se renvoyant la faute, l’hypocrisie engendrant la lâcheté dans un gigantesque cercle visqueux.

Dans un premier temps, le groupe pétrolier, ainsi que l’armateur et la société de contrôle furent reconnus coupables et condamnés à verser plusieurs centaines de millions d’euros au titre des préjudices subis. Avant que l’avocat général de la cour de cassation ne remette en cause ce jugement au motif que le naufrage aurait finalement eu lieu en zone économique exclusive, sorte d’espace de non droit, de vide juridique, entre la haute mer et l’espace maritime français. Entre deux eaux. Troubles.

Un exemple parmi d’autres permettant une nouvelle fois d’apprécier la façon dont certains humains respectent leur écosystème. Un cas toutefois symbolique tant il concerne une mer porteuse de vie, une mer nourricière, une mer accouchant jadis des espèces animales les plus archaïques dont est issu l’être humain.

Une mer donnant naissance à l’humanité au risque de perdre les eaux.

Guillaume Meurice

27/05/2012