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Posture : dénigrons la Fête de la Musique

Publié le 21 juin 2012 par Vinsh

Posture : dénigrons la Fête de la Musique
Vivre à Paris, ce n’est pas facile. Les jours comme celui-ci, toutes les personnes à qui vous adressez la parole vous demandent ce que vous allez faire ce soir. Comme s’il fallait faire quelque chose de spécial. On me somme implicitement, depuis ce matin, d’avoir un plan original, un concert génial sous le coude, une bande de potes qui jouent (mal) sur un trottoir ou dans un square parisien. Et si la Fête de la Musique, en fait, on s’en foutait ? 
Certes, sur le papier c’est sympa d’avoir des occasions de passer une soirée un peu différente des autres, d’aller à la rencontre des gens, de découvrir un groupe inconnu et de se balader dans Paris, par un beau premier soir d’été, avec la sensation que même si on aura du mal à se lever le lendemain matin, tout le monde sera dans le même cas, et on lèvera un coin de lèvre amusé en regardant ses voisins de métro aux yeux collés à 8h45. Je dirais même qu'il y a quelque chose de salutaire, dans cette initiative : nous faire aller à la rencontre, nous les fourmis blasées qui allons chaque jour au boulot en nous demandant parfois pourquoi ne pas tout plaquer pour aller vivre sur une plage (nous sommes surtout retenus par la perspective de vivre sans Internet et sans télé), de quelques rêveurs aspirants artistes, qui n'ont pas notre résignation et qui vivent pour un idéal artistique dont nous aimons, en temps normal, moquer le manque de réalisme et (malheureusement) de talent. Ce soir, c'est un peu la fête de ton pote Jeannot qui a glandé 5 ans en DEUG de psycho après le bac avant de se lancer dans le folklore péruvien, en faisant du fundraising pour gagner sa croûte. Quelque part, c'est la fête de ces naïfs qui font quelque chose qui leur tient vraiment à cœur (les pauvres). Mais il existe au moins cinq raisons de ne pas aimer la Fête de la Musique. 
Les concerts semi-improvisés de groupes amateurs, c’est bien souvent à chier. 
C'est pas pour rien qu'on les trouve naïfs. Oui, je sais, c’est cruel. Mais c’est testé et (dés)approuvé : dans environ 90% des cas, le groupe de folk-rock (ou pire, de djembé) du pote d’un pote que tu es venu gentiment écouter pour faire plaisir à une seule personne va te soûler. Et comme tu es cerné, dans toutes les rues voisines, par des gens qui font grosso modo le même genre de bruit, tu es comme qui dirait coincé. Évidemment, et c’est aussi la beauté (théorique) de l’évènement : au petit bonheur la chance, et au hasard de tes déambulations dans toute la ville, tu pourras bien finir par tomber sur une jolie voix, de belles chansons, un groupe inconnu coup de cœur (dont tu auras oublié le nom dans trois jours). Les rares fois où j’ai essayé, j’ai galéré pendant cinq heures, rien trouvé de bien folichon, et chopé des ampoules aux pieds. 
Les concerts gratuits de chanteurs et de groupes célèbres sont blindés 
Le problème, c’est qu’ils sont blindés de gens qui n’auraient jamais payé un billet de concert. Et c’est fou comme les gens sont moins respectueux quand ils n’ont pas payé. La configuration en lieu public n’aide pas beaucoup à améliorer ce triste état de fait. Et je ne parle même pas des risques et périls, puisque la Fête de la Musique, c’est un peu la Fête des Pickpockets aussi. 
Posture : dénigrons la Fête de la Musique
Les gens bourrés dans la rue et dans le métro, c’est relou 
Cher inconnu bourré à 21h30, ce n’est pas parce que c’est la Fête de la Musique et que tu en es à ta cinquième bière ou à ta deuxième bouteille de rosé bu au goulot que j’ai envie de fraterniser avec toi, ni de venir dans la petite ruelle d’à côté écouter tes potes que je ne connais pas et qui jouent du super jazz manouche. Non, je n’ai pas de feuilles. 
De toute façon il fait un temps dégueu 
Bienvenue à Paris, la ville où l’été dure cinq jours, répartis équitablement entre juin, juillet et août. Il a fait beau deux jours en juin, ne soyons pas gourmands, tu iras voir le concert de Nolwenn sous la flotte. 
Les grands rassemblements artificiels citoyens pour profiter du "vivre ensemble", c’est de la blague 
Franchement, toi, tu participes à la Fête des Voisins ? Ça avait lieu un peu plus tôt dans le mois, et je parie que, comme moi, tu t’es planqué dans ton appart’ en baissant le son de la télé si jamais un voisin venait sonner à ta porte vers 20h30 dans l’espoir que tu te joignes à la fête dans la cour de l’immeuble, entre le local poubelles et la loge de la gardienne, avec un saladier de taboulé. Pareil, lorsque la gentille dame proche de la retraite qui tenait le bureau de vote du deuxième tour des législatives t’a demandé, à toi le jeune qui a l’air tellement sympathique-dynamique-et-éduqué, si tu serais pas disponible le soir même pour te fader le dépouillement avec elle et Jean-René qui s’occupait de te faire signer la liste d’émargement : tu lui as dit oui ? Bah non mon cochon, tu as prétexté un dîner en famille ou une partie de crapette pour te défiler. La grande communion citoyenne autour d’une manifestation festive, c’est mignon, mais c'est pareil : je connais peu de gens qui y voient la source de mobilisation qui les fait décoller leurs fesses plates de leur canapé Ikea d’occaz’ qu’ils gardent depuis la première année de fac même si maintenant ils approchent la trentaine. La vérité, c’est que le Fête de la Musique, en bon dindon individualiste que tu es, tu la fais surtout pour aller picoler dehors avec tes potes, avec l’espoir de pécho de la chagasse éméchée pendant que tu feras une pause pique-nique / bière sur la pelouse d’un square. 
Ce que, finalement, tu pourrais faire le reste de l’année. Ou chez toi, avec des amis sélectionnés avec soin hors de la plèbe.

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