C’est le genre de conversation que j’aimerais entretenir avec ma petite fille … Avec ce regard positif, cette façon de voir les belles choses même dans les pires moments, même si esthétiquement parlant ce n’est pas la beauté ou la perfection ..
Nuage
Un papa raconte
Un week-end par mois, je réserve une journée pour être
avec lui. Pour le voir s’extasier devant un film, un
spectacle, pour répondre à ses questions d’enfants… de
plus en plus pertinentes. Bref, je fais mon boulot
de papa.
Le week end dernier, je l’ai emmené au restaurant,
puis au zoo. Sa maman devait travailler.
Nous avions choisi de manger méditerranéen. Une petite
fille à la table d’à côté faisait des difficultés pour
terminer son assiette. Sa maman, patiente, lui disait :
« finis au moins ton pain, regarde comme il est doré et
tendre. » Mais la fillette répondit : « non, j’aime pas la
croûte, c’est pas beau, c’est comme des crevasses. »
Au dessert, le serveur amena une coupe de fruits et
cette fois-ci le papa, un peu énervé dit à sa fille :
« et les figues, on peut savoir pourquoi tu n’en manges pas ?
Regarde comme elles sont belles, mures et gonflées. Tu
n’en mangeras certainement pas d’aussi bonnes chez nous en
ville. « Et la petite fille, butée, de répondre : « elles
sont toutes fendues on dirait qu’elles sont pourries. C’est
pas beau ! »
Alexandre qui avait assisté un peu gêné à la scène me
demanda tout bas : « dis papa, pourquoi les bonnes choses
sont parfois laides ? Pourquoi, si elles sont bonnes pour
nous la nature les a faites moches ? »
J’avoue que je n’ai pas su trouver aussitôt une
explication satisfaisante…
Mais plus tard dans l’après-midi, notre promenade au zoo
m’a donné l’occasion de lui répondre.
Je tenais la main d’Alexandre qui s’extasiait devant la
cage aux singes. Un couple semblait n’avoir d’yeux que pour
critiquer ces braves bêtes : « non mais regarde moi ça !
C’est tout de même affreux ces touffes de poils sur leurs mains.
Et ces dents, ce pli sur leur nez, ces bras trop longs…
Quand on y pense, la nature ne les a pas gâtés ! Quel manque de
grâce. Ils ne mériteraient même pas qu’on les regarde. »
Je me suis tourné vers Alex, qui avait encore tout
entendu et je lui ai dit :
- « La petite fille du restaurant et ces gens qui n’aiment
rien sont comme des aveugles qui refuseraient de voir même si
on les opérait. Dans la nature, rien n’est laid si on apprend
à regarder. Que serait le pain sans sa croûte savoureuse,
faite de plis, d’accidents, de crevasses ? Et cette pourriture
qui entrouvre les figues ou les olives mûres, n’est-ce pas le
signe que le soleil les a aimées et que le paysan a tout fait
pour qu’elles arrivent à maturité ?
- Oui, c’est vrai.
- Si tu sais regarder, tu ne verras pas de choses laides
dans la nature. C’est sûr que tout n’est pas droit, que les
épis de blés sont courbés, que les branches du pommier penchent
sous le poids des fruits, que le cheval est crotté, que la
bouche des sangliers bave et que les singes ont des de grosses
lèvres plissées qui nous semblent très éloignées de la beauté.
Mais c’est justement parce que ces accidents sont naturels que
nous devons aimer les y voir. »
Alex n’a rien dit mais il a plissé son petit nez et
froncé les sourcils, signe chez lui d’une intense réflexion…
Ce n’est que 3 jours plus tard qu’il est venu me
voir dans le salon pour me dire : « Tu sais, quand je serai grand
je veux devenir peintre. »
- Ah. Et que peindras-tu ?
- Les choses comme elles sont, pour qu’on apprenne à les
trouver belles. »