La parentalité hélicoptère en question

Il y a quelques mois est sorti un livre intitulé «Bringing up Bébé» («Elever un bébé», version  américaine) ou «French Children Don’t throw food» («Les enfants français ne jettent pas la nourriture», version britannique), relatant les péripéties de Pamela Druckerman, jeune mère américaine expatriée en France avec son mari anglais. Elle se rend compte alors que la conception de la parentalité est complètement différente en France, où tout ne tourne pas autour de l’enfant et où les parents restent des individus à part entière. J'en parle ici.

A la base, tous les parents ont le même désir : rendre leurs enfants heureux et leur permettre de s’épanouir dans les meilleures conditions qui soient et surtout en toute sécurité. L’hyper-parent est celui qui ne lâche pas son enfant d’une semelle, qui le stimule constamment, veut le (sur)protéger envers et contre tout… Si ce concept est plutôt anglo-saxon, il semblerait pourtant qu’il arrive en France.

J’adore le terme «parentalité hélicoptère», qui illustre bien le survol stationnaire constant du parent au-dessus de son enfant, mais que désigne t-il au juste ?

Théorie de la genèse du concept

La médiatisation des affaires d’enlèvements et de pédophilie, qui avaient longtemps été passées sous silence, ont largement contribué à rendre les parents paranos (ça on le comprend facilement).

Les femmes ont moins d’enfants, et plus tard, donc elles s’investissent plus dans leur rôle de mère puisqu’elles l’ont choisi, et non subi comme les générations précédentes.

Grâce à leur expérience professionnelle, les mères (oui c’est plus souvent les mères, quand même) se mettent à gérer leur famille comme une entreprise: apprentissage, activités extrascolaires, devoirs, tout être managé de mains de maître.

L’écologie aussi a changé les mentalités, il devient important de manger et vivre sainement, ce qui implique des contraintes et un investissement personnel supplémentaires.

Dans les faits ça donne quoi ?

Tout simplement ce que l’on voit assez bien dans certaines séries américaines : une mère au foyer entièrement dévouée à famille !

• Elle prépare des pancakes au petit-déjeuner, sapée comme si elle faisait la couv’ de Vogue,
• Elle prépare des sandwichs à emporter avec 5 fruits et légumes bio pour le repas de midi, et elle y glisse un petit mot gentil plein de petits coeurs,
• Elle prend une photo de ses enfants chaque matin, au cas où l'un d'eux serait enlevé dans la journée,
• Elle fait le taxi à longueur de journées pour les entraînements, répétitions et autres cours de langues étrangères ou d’orientation professionnelle dès 7 ans (si, si, ça existe en Angleterre !),
• Elle organise des fêtes d’anniversaire à côté desquelles les soirées de Jean-Roch c’est la kermesse de l’école maternelle de Ploucville,
• Elle va enguirlander le prof de maths qui a eu l’outrecuidance de mettre un B à son enfant ce qui plombe sérieusement ses chances d’entrer à Harvard dans 10 ans,
• Elle coud les costumes pour les 45 petits elfes de la forêt du spectacle de fin d’année de l’école,
• Elle cuisine 200 muffins sans gluten pour une vente de charité…

… en un mot comme en cent : elle frôle le burn-out!

Et les conséquences ?

Que deviennent ces enfants hyperassistés ? Des jeunes adultes manquant de confiance en eux, mal dans leur peau et dépressifs, incapables de prendre la moindre décision sans en référer à Maman. Maman se chargera même, s’il le faut, d’accompagner son rejeton à ses entretiens d’embauche.  Oui. Ou de faire ses devoirs. Oui, c’est très responsabilisant, n’est-ce pas ?

Et à côté de ça ?

Evidement, tous les parents ne sont pas comme ça ! Aux Etats-Unis, Lenore Skenazy, journaliste et mère de famille newyorkaise, est devenue le symbole de l’anti-hélicoptère et a obtenu le titre de «Pire mère d’Amérique» pour avoir laissé son fils de 9 ans rentrer seul de l’école… Elle est ce que l’on appelle une mère de « free-range kids », c'est-à-dire d’enfants élevés en plein air (à NY, oui). Elle a écrit un livre sur le sujet Free Range Kids: giving our children the freedom we had without going nuts with worry (« Élever ses enfants en plein air : accorder à nos enfants la liberté que nous avons eue, sans se prendre la tête avec des angoisses ») et tient un blog,  FreeRangeKids.

«On agit comme si l'enfance était trop précieuse pour la laisser aux mains des enfants. C'est une erreur.»

Carl Honoré, auteur du Manifeste pour une enfance heureuse (Marabout)