Marina Lapenkova
Agence France-Presse
Moscou
« L'intelligentsia appelle à libérer les Pussy Riot », titre la lettre ouverte, placée sur le site de la radio Écho de Moscou.
Nadejda Tolokonnikova, Maria Alekhina et Ekaterina Samoutsevitch, les trois jeunes membres des Pussy Riot, sont en détention provisoire depuis plus de quatre mois pour avoir improvisé le 21 février, cagoulées et avec guitares et sonorisation, une « prière punk » intitulée « Marie mère de Dieu - chasse Poutine! » devant l'autel de la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou.
Elles encourent 7 ans de détention pour « hooliganisme ».
« Nous ne voyons aucun fondement juridique et aucune raison pratique au maintien à l'écart de la société de ces jeunes femmes qui ne présentent aucun danger », ajoutent les signataires.
La Cour suprême russe a réagi dans la journée, soulignant qu'elle ne tolèrerait « aucune pression », et que toute question devait être réglée après jugement par les possibilités d'appel et de pourvoi en cassation.
Parmi les signataires figurent aussi l'écrivain Boris Akounine et le musicien Iouri Chevtchouk, leader du mythique groupe de rock DDT, qui ont joué un rôle de premier plan dans la contestation de ces derniers mois contre le pouvoir de Vladimir Poutine.
Mais figure aussi le nom d'artistes qui n'avaient jusqu'à présent guère affiché leur position politique, voire qui avaient accepté de participer à des clips de soutien à l'ex-agent du KGB pour la présidentielle de mai, comme l'actrice Tchoulpan Khamatova (Good Bye Lenin),
Dans leur texte, les artistes se gardent de se placer sur le terrain politique, mais leur prise de position en faveur des auteures de cette prière anti-Poutine, chantée en pleine mobilisation de l'opposition russe et quelques semaines avant le retour de Vladimir Poutine au Kremlin, ne peut manquer de paraître comme un nouveau désaveu à l'égard du régime incarné par l'ex-agent du KGB.
Cette lettre ouverte est en outre publiée au moment où l'opposition dénonce la montée des pressions en tous genres sur ses leaders dont plusieurs ont connu perquisitions, interrogatoires et interpellations, et sont sous le coup d'enquêtes judiciaires.
« Nous avons des opinions diverses sur l'aspect moral et éthique de l'action de février dans la cathédrale du Christ-Sauveur », soulignent les signataires.
« Mais (...) les jeunes femmes n'ont ni tué, ni volé, ni exercé de violences. La Russie est un État laïque, et aucun acte anticlérical, s'il ne tombe pas sous le coup d'un article du Code pénal, ne peut faire l'objet de poursuites pénales », écrivent-ils.
« Les poursuites pénales contre les Pussy Riot discréditent le système judiciaire russe et minent la confiance dans les institutions dans leur ensemble », ajoutent-ils.
« Une atmosphère d'intolérance grandit dans la société, qui mène à la confrontation et à la radicalisation », mettent-ils en garde.
L'affaire Pussy Riot a suscité de nombreuses réactions de désapprobation, dans un pays qui a connu depuis la chute du régime soviétique en 1991 un renouveau religieux.
Mais de nombreuses personnalités revendiquant leur appartenance à la communauté orthodoxe ont désapprouvé la gravité des charges retenues contre les jeunes femmes, leur maintien en détention, et l'extrême fermeté de la position du patriarcat de Moscou, qui a souhaité les voir sévèrement punies.
Les jeunes femmes ont affirmé avoir voulu notamment dénoncer la « collusion de l'Église et de l'État » en Russie.
Amnistie Internationale et l'ONG russe Mémorial ont réclamé leur libération, et le délégué pour les droits de l'homme auprès du Kremlin Vladimir Loukine a demandé une attitude « chrétienne » à leur égard.
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