J'ai écrit ce texte le 20 mai 2012. 320 mots sur un sujet qui me tient à coeur...
"Ma" palissade a été érigée il y a plus de cinq ans et alors que j'en reparlais récemment, s'est imposée à moi l'idée de ce texte plus général, moins ancré à une situation particulière, ce qui m'a aussi permis de jouer plus facilement sur les mots. Il me fallait tout ce temps pour le digérer, je crois; pour accepter que derrière l'aspect rationnel, le symbole me brise le coeur.
Je suis assez contente du rendu, mais à vous de me dire si cela vous parle!
Elle n’a l’air de rien, comme ça, cette palissade. Quelques planches hautes de quelques mètres qui séparent deux jardins, mais peut-on leur reprocher d’accomplir leur tâche première ? S’il n’était pas si évident que le bois est jeune et n’a guère subi les assauts du temps et des éléments, elle pourrait être là depuis des années, cette palissade, depuis des siècles peut-être. On délimite les propriétés depuis la nuit des temps, non ? On marque son territoire, que ce soit à l’ancienne, par l’odeur, ou par la menace d’un vieux crâne installé au bon endroit, ou par une palissade somme toute bien inoffensive, quand on y pense.
Elle se dresse hors de terre, zélée, fière gardienne de la propriété privée et de l’intimité des occupants des lieux. Son utilité toute relative dépend de la civilité d’un éventuel intrus. Il ne doit pas être bien difficile de l’escalader ou de sautiller pour voir par-dessus, si l’on y tient vraiment. Mais pourquoi y tiendrait-on ? La vue de l’autre côté n’a rien d’extraordinaire, c’est juste un autre jardin et une autre maison, de vacances en plus. Le plus souvent inoccupée, de temps en temps visitée par des gens tout ce qu’il y a de plus normaux qui s’y livrent à des activités tout ce qu’il y a de plus normales.
Oui. Mais elle n’a pas toujours été là, la palissade. Sait-elle seulement pourquoi on l’a installée ? A-t-elle la moindre idée de l’âpre bataille dont les terrains qu’elle sépare ont été l’enjeu ? Querelles fraternelles, chicane d’héritage. C’est ainsi que tourne le monde depuis la nuit des temps, non ? C’est ainsi que les clans se multiplient, que les pays se forment, que les empires s’émiettent ! C’est pour cela que murs et murailles s’érigent, que tours de guet et miradors apparaissent, que gardes et douaniers gagnent leur vie. Alors vraiment, qu’irait-on critiquer chez cette pauvre palissade ?
Pourquoi en pleurerait-on ?