Tour Eiffel : mille six cent-soixante-cinq marches, ça court ça court ça court comme mille furets au bois mesdames un escalier... Et ces marches ! Incroyables marches d'escalier. La dimension parfaite des marches : vingt-huit centimètres de large en leur milieu, dix-sept de hauteur : dimensions idéales pour monter et descendre sans fatigue, ce sont les normes compagnonniques pour un escalier de maison, trente heures de travail par marche, y'a d'incroyables escaliers !
Pour les compagnons charpentiers l'escalier est le symbole de la progression vers le savoir, l'ascension vers la connaissance que nul ne possède totalement. Il représente l'élévation même dont l'être humain se trouve capable. Un escalier, pour en monter la construction, c'est avant tout de la réflexion, du savoir-faire, un peu de sueur beaucoup de cervelle. Un escalier ce sont des mots aussi, des adjectifs : marches, contremarches, limon, noyau central, des verbes (de beaux verbes parfois) aussi, dans l'ordre : on achète le bois, on le fait mûrir, on corroye ensuite c'est à dire qu'on dégauchit, qu'on rabote les planches à l'épaisseur voulue, on pousse les moulures à la toupie, les rainures pour les contremarches, faut reporter des lignes d'aplomb, de niveau, faut chantourner les courbes, entailler les encastrements des marches, des contremarches, rapporter la main courante, tailler le limon, dominer la "force serrée" du bois, lui faire retrouver au bout de l'ouvrage, une "grande douceur", car c'est doux un escalier.
C'est incroyable un escalier, y'en a de tout simples, y'en a un magique au château de Chambord qui en compte quatre-vingt-trois ! En fait pour ce magique y'en a deux pour le prix d'un, constitué de deux vis centrées autour du même axe. "Ceux" empruntant le premier ne voient les "passagers" du second, un vrai tour de passe-passe, une merveille architecturale ! Des escaliers y'en a pour monter aux étages des maisons, au haut : des clochers, des tours, des pyramides, des châteaux, des montagnes, des arbres, au haut de tous les hauts ; tiens, celui-là je l'aime particulièrement : à Puivert dans l'Aude, il y a un château dit cathare, y'a un escalier de pierre qui grimpe les quatre étages du donjon, au rez-de-chaussée la pièce est aveugle, au premier il y a une ouverture, au second deux, au trois, trois et au quatrième... vous avez compris, quatre. Quand la symbolique s'en mêle !
L'indispensable prend vite le pas, prend d'abord le pas, l'homme - l'architecte - a simplement dit un jour "Pourquoi ne pas faire beau et un poil - parfois, en certains lieux - mystérieux ?" L'escalier est indispensable à la vie, il a été le premier souci des hommes, qui ont compris très vite qu'il valait mieux tailler une marche dans le rocher plutôt que d'en risquer l'escalade, plutôt que de s'échiner, pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Au début les gens ont réfléchi et ils ont pris le pas sur la nature, en l'observant en faisant crépiter les neurones de leurs cervelles... et les animaux furent domestiqués ou vaincus, et la nature chêne s'inclina devant l'homme roseau. Elle lui dit en son langage : "Chapeau petit homme !!! et ça ? C'est quoi ? Ce que tu as fait ? ...... un escalier, ah, ça s'appelle un escalier...... incroyable !!!", le petit homme lui dit : "Tu sais mère nature, en haut de l'escalier, ben, ma réserve de blé sera au sec, y'aura ma chambre aussi avec une belle fenêtre qui s'ouvre sur le lointain et puis surtout en haut de l'escalier... y'a la lumière"