Magazine Humeur

Lu pour vous : "Abba, dis-moi une parole !", par le P. Patrice Gourrier (Ière partie)

Publié le 06 juillet 2012 par Hermas

Les notions de pèlerinage, de marche, de chemin, sont inhérentes à la vocation chrétienne. Avec elles, l’idée d’un certain nomadisme, libre à l’égard de la terre, tendu vers une autre patrie. Avec elles encore, la réalité d’une fin ultime, Dieu, à laquelle toute autre est ordonnée, principe de mouvement, du premier au dernier pas. Avec elles encore, et la peine et le chant, et l’attente du but, qui se lasse le soir, et s’éveille à l’aurore. Avec elles, toujours, les tentations de s’arrêter, de poser son sac, de rebrousser chemin, et celles de se laisser glisser dans le sommeil : « Je suis las, je suis mort, laisse-moi dormir ! ». Avec elles, enfin, le risque et l’égarement possibles.

Aussi n’est-il pas surprenant que cette vocation de pèlerinage chrétien, si enracinée dans l’héritage biblique, soit dès l’origine associée à la nécessité d’un guide. Le premier guide du pèlerin est la loi divine. Brillant en lui comme une lampe, elle affine son sens de l'orientation ; elle marche à ses côtés, garde son sommeil et l’entretient au réveil (Proverbes, 6,30-23). Le Christ, surtout, est à la fois pour lui chemin et Pasteur : le bon Pasteur (Jean 10,11-18), celui qui connaît la route et son terme, qui n’égare pas, qui attend, patiente, écoute, soigne et guérit, qui encourage, conseille le pèlerin sur sa voie, chante ou pleure avec lui, au rythme scandé par sa divine charité.

La tradition chrétienne est nourrie de ces images et de la vérité qu’elles expriment. Voilà pourquoi la “direction” spirituelle ou “de conscience” a toujours été regardée comme un ministère nécessaire dans l’Église, pour autant qu’il soit exercé dans la science des voies de Dieu, la discrétion et l’expérience, ainsi que le relevait saint Jean de la Croix. Cette direction présuppose la connaissance de l’existence même du chemin à parcourir, de ses exigences, et des horizons merveilleux qu'il ouvre. Or en ces cruelles dernières années, l’expérience, et la discrétion, et la science des voies de Dieu ont manqué, en même temps que l’appétit des hauteurs. Le sociologisme qui a tellement affecté ou infecté les esprits, notamment dans le clergé, en même temps qu’il portait avec lui le mépris de la piété, de la dévotion et de la contemplation, a rendu invisibles à beaucoup les routes en même temps qu’il raréfiait les guides.

Dieu cependant n’abandonne pas son Église. Ce qui était hier encore objet de sarcasme ou de dédain suscite à nouveau, sous son inspiration, l’intérêt d’esprits neufs. De jeunes prêtres reprennent le bâton laissé à terre par leurs aînés. Ils redécouvrent la route, au détour parfois inattendu, selon leur propre aveu, de leurs expériences personnelles, et la font redécouvrir aux autres. Ils se découvrent véritablement pasteurs et se mettent en marche, pour éclairer en même temps que leur regard s'illumine, écouter, guider à leur tour, consoler, renouant ainsi avec une mission essentielle reçue du Christ.

Tel est le cas du Père Patrice GOURRIER, qui encourage lui-même à rechercher une direction spirituelle, et dont les Editions Salvator viennent de publier un ouvrage intitulé « Abba, dis-moi une parole », avec ce double sous-titre suggestif : « Un prêtre psychologue répond à vos questions » et « Un coeur qui écoute » (1) Le titre principal, emprunté aux Pères du désert, que l’Auteur aime à fréquenter et à citer, exprime à lui seul les attentes et « les cris » de multiples personnes qui se sont adressées à lui et qui sont toutes, à des points de vue différents, perdues, freinées ou arrêtées sur leur chemin par les « paradoxes de la nature humaine » (p. 72) et les agressions extérieures d’un monde au sens propre “déroutant”. Ces attentes sont réunies en cent questions, auxquelles l’Auteur avait répondu dans la Revue Prier. Souvent le Père GOURRIER ponctue significativement ses réponses d’un « Bonne marche ! ». Il est là pour aider à partir. Ou à repartir. L’ennui à la messe, le doute, la difficulté à prier, la peur de la mort, le mal de vivre, la colère, le pardon, la confession, l’expérience de l’échec, d’un mariage brisé, la maltraitance, l’agitation, la souffrance et le silence de Dieu, ou encore la crainte de l’engagement, autant de questions diverses, au milieu de bien d’autres, qui témoignent à la fois d’une multitude d’ignorances, d’une multitude de blessures, et d’autant d’appels plus ou moins paisibles à la lumière.

(à suivre)

_______________

(1)  Abba, dis-moi une parole ! par le Père Patrice Gourrier, Ed. Salvator (2011), 18,00 €


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine