N’est-il pas trop simple de distinguer une « théologie naturelle », qui se suffirait à elle-même , et une « théologie de la révélation » qui ne reconnaitrait, au mieux, en la « théologie naturelle » qu’une infrastructure de départ?
La Bible utilise largement le langage religieux du monde environnant. Elle le transforme certes, mais pas complètement. Si la Parole de Dieu sauve et révèle, c’est qu’elle se dit au travers de notre culture, sinon elle ne sauverait pas … Elle détruirait. Certes, elle convertit, elle ébranle et retourne…
Il ne faut pas que l’affirmation d’un « crédo » coupe la religion de la culture, la prive de tout enracinement humain et enlève à la révélation son caractère universel pour en faire un impérialisme ou un « absolutisme » particulariste. Bien sûr, une démarche purement intuitive, raisonnée ( « naturelle » ), élimine toute référence à une véritable transcendance et pourrait affaiblir la divinité de Dieu …
Pour éviter les écueils, TILLICH propose une méthode : la méthode de corrélation :
- La théologie puise sa substance, sa matière (ce qu’elle dit) dans la révélation tandis que la culture détermine sa forme (la manière de le dire). Il y a corrélation quand on exprime le contenu de la révélation dans le langage et dans les catégories de pensée qu’analyse la philosophie de la religion.
- La théologie formule les réponses qu’apporte la révélation aux grandes questions qui s’expriment et émergent dans
la culture.
N’imaginons pas une révélation à l’état pur, une parole éternelle ou une essence du christianisme qu’on pourrait isoler avant de les traduire dans des langages particuliers et dans des situations diverses. L’évangile (au sens de parole divine exprimée et annoncée) est toujours culturel et contextuel ; « la révélation et la réception de la révélation forment un tout indissociable » ; le divin se manifeste toujours dans une chair…
L’interrogation a quelque chose d’étonnant et de paradoxal. Questionner suppose une précompréhension de ce qu’on quémande. Si on n’en avait aucune idée, aucun pressentiment, aucune expérience, on ne pourrait même pas songer à solliciter… Une révélation obscure amorce la recherche de la révélation ; une présence absente de Dieu conduit à s’interroger sur Dieu et à le désirer. Dieu est la source de notre quête et pas seulement sa visée ; il est la présupposition de la question de Dieu.
À l’inverse, la réponse, celle qu’apporte la révélation transcendante, n’épuise pas ni ne supprime la demande en comblant le vide d’où elle jaillit, mais elle la déplace, la dérange et la relance.
Source : Philosophie de la religion et méthode de corrélation chez Paul Tillich, d’André Gounelle
http://www.erudit.org/revue/ltp/2009/v65/n2/038403ar.html#no38