Le maître et moi...
Ah, mes chers amis lecteurs, vous ne le croirez jamais… Il faut que je vous raconte.
Comment ? Qu'es-ce que vous dîtes ? Une semaine que je n'ai rien écrit ? Mais, mon Dieu, cela est-il possible ? J'ai du mal à vous croire… Ainsi, pendant toute une semaine, je n'ai pas pondu une seule ligne.
Honte sur moi. Malédiction sur ma famille, ses descendants et le reste.
Comment me faire pardonner ? Dois-je me flageller ? Me montrer nu sur les plages de l'île de Ré ? Courir sur champ de Colza en Irlande avec deux chausures gauches aux pieds ?
Non ? Rien de tout ça ?
C'est vrai ?
Bon, je peux y aller ? Plus de plaintes ou autres jérémiades sur ma capacité de production ?
Vous voulez savoir qui est avec moi sur la photo ?
Donc, lors d'une soirée où je me suis retrouvé invité, je parle avec un vieux camarade que je n'avais pas vu depuis longtemps. Evidemment, au grand dam de ma chère Lulu, nous parlons un peu de gaudriole… Nous partons même dans un franc délire, où l'érotisme est si poussé que nous en devenons pornographiques, quand il me souffle, me désignant un homme aux cheveux blancs et au sourire aimable :
“- Tu sais qui c'est ? C'est Marc Dorcel.”
Ah, ah, ah, Marc Dorcel, mais bon Dieu, c'est bien sûr ! Parce que vous ne voyez pas de qui je parle ?
Allez, je vais sortir ma boîte à culture. Dans les années 80 – donc, un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître – notre société connaît une grande période libératoire : les radios libres naissent, ce n'est plus un délit de montrer son homosexualité, on se gave de clips MTV et on peut enregistrer des films de la télévision sur une machine extraordinaire : un magnétoscope. C'est le temps divin des cassettes VHS. En même temps, se développe un nouveau marché : celui de la vente. Je me souviens très bien du Drugstore des Champs Elysées qui fut peut-être le premier à exposer des cassettes enregistrées : James Bond contre docteur NO et le fameux Thriller de Michaël Jackson. Bref, pour un gosse comme moi, c'est le bonheur total. Certes, il fallait débourser la somme faramineuse de 500 francs de l'époque – 80 euros – pour être le propriétaire de ces bandes mais quel pied ! Quelle frime vis à vis des copains ! Et des copines !
Il y en avait pour tous les goûts. Action, guerre, horreur, drame psychologique, polar et j'en passe. J'en passe mais je n'oublie pas le principal : le cul.
Ah ça, il y en avait, je vous prie de bien vouloir me croire, mes chers amis lecteurs. Moi, dix huit ans, je pouvais louer autant que je voulais. Le problème – que tout le monde a eu à cette époque – c'était de le demander à l'émployé(e) du vidéo club. Pour que ce soit répété à mes parents ? Tiens, fume !
Je n'avais pas le courage d'affronter un regard légèrement réprobateur, genre : “- Je comprends, mais quand même, ce n'est pas joli, joli…” Louer une cassette porno au titre tellement évocateur, genre : Des b… pour trois sal…, le Bon, la Brute et le Trou Béant. Non, non, je ne pouvais pas.
Jusqu'au jour où un bonhomme eut l'idée simple de faire des jolis films de fesse, au titre certes gaulois mais absolument pas pornographique : Amour, fantasmes et fantaisie, des femmes pour Gourpanoff.
C'était Marc Dorcel.
Me retrouver en face de lui et trinquer à la santé de notre hôte fut plaisant. Car l'homme est alerte et drôle. Il me raconte des anecdotes de plateau sans que je ne lui demande quoi que ce soit. Ah, Brigitte Lahaie jeune, quelle belle femme ! Une star, me dit-il, une vraie star.
Je suis aux anges. Ah, il y en a eu, des soirées où mes fantasmes ont rejoint ses films. Je lui déclare en souriant :
“- Vous êtes le Maître.”
Marc Dorcel éclate de rire.
Il enchaîne sur les confidences. De son temps, il y avait des scénarios, des situations sympathiques et érotiques. Cocasses et sensuelles. Mais toujours excitantes.
Mais, surtout, le cul était difficilement accessible. Aujourd'hui, poursuit Dorcel, il suffit de se connecter sur Internet et toutes les images les plus terribles envahissent les écrans. De plus, tout y est déformé, sale et glauque. Le cul fait partie de la vie. Les excès qui l'illustrent pour mieux le vendre sont dangereux car au lieux de libérer nos pulsions, ils les transforment. D'amateur sensuel, nous sommes devenus obsédés d'images. De simple amoureux, nous sommes presque partouzeurs…
Je ne saurai trop vous recommander de lire une biographie rapide de Marc Dorcel pour vous convaincre du dynamisme de ce personnage. Le plus épatant est certainement son bel âge – 88 ans – qui n'est pas du tout évident sur la photo. Il me revient en mémoire cette phrase de Frédéric Dard, auteur gaulois et pas des moindres :
“- Je serai vieux le jour où je ne banderai plus.”
Voilà, tout est dit. Je crois que même que tout est là. Allez, peut-etre pas tout mais le principal : la vie et l'amour.
Ah, vous savez quoi ? Je me sens jeune, moi…
I love you. All of you. And Lulu