Il y a quelques jours a chancelière allemande Angela Merkel et notre président de la République, François Hollande ont commémoré la visite que le chancelier Konrad Adenauer avait rendu au président de Gaulle il y a cinquante ans, à Reims et à Mourmelon, le 8 juillet 1962. Le rendez-vous avait été soigneusement préparé par le père de la Ve République, sur ces terres qui avaient vu Français et Allemands s'affronter durement lors de deux conflits mondiaux. Cette première visite d’un dirigeant allemand à son ancien ennemi scellait la réconciliation entre les deux peuples et allait permettre de lancer le grand projet européen. On voit bien aujourd’hui, quels que soient les dirigeants au pouvoir dans nos deux pays, que cette amitié, qui sera scellée en janvier 1963 par le traité de l’Elysée, constitue l'axe indispensable de la construction européenne, notamment dans les périodes difficiles.
La France et l'Allemagne, autrefois ennemis héréditaires, sont aujourd'hui deux alliés, capables de surmonter les désaccords pour préserver l'essentiel : la paix sur ce continent, et la condition indispensable à sa préservation : le développement harmonieux des populations, le respect des équilibres, la reconnaissance de nos différences.
Quelques jours auparavant, le 3 juillet 1962, le général de Gaulle reconnaissait l'indépendance de l'Algérie, quelques mois après les accords d'Evian qui mettaient fin à 130 ans d’occupation française et sept ans de guerre.
Il y a 50 ans, la France tirait un trait sur deux blessures douloureuses, qui avaient causé tant de tragédies, et dont nous continuons de panser les cicatrices.
En ce 14 juillet 2012, je crois que nous pouvons tirer quelques enseignements de ces deux anniversaires dont la simultanéité ne tient peut-être pas uniquement au hasard.
Je crois d’abord qu'aujourd'hui chacun reconnaît, quels que soient ses engagements, ses opinions, le sens de l'histoire du général De Gaulle, qui a su à plusieurs moments décider des choix déterminants pour son pays, délaissant les conseils plus ou moins éclairés qui pouvaient lui être adressés. Il a su dépasser les luttes de clans, les intérêts particuliers pour faire prévaloir l'intérêt général. Le général, comme on l’appelait, a certes été un grand militaire, un chef de guerre, pendant la Seconde guerre mondiale. Mais il a surtout été un grand dirigeant politique, qui a su s’engager pour la paix, parfois contre l’avis des militaires.
Je crois aussi que notre pays a su en ces occasions comme en d'autres reconstruire son unité sur les ruines et en ressortir plus fort, plus uni, plus déterminé. Vous le savez, on ne guérit pas les plaies de tels conflits avec quelques revers de manche. Il faut que le temps, et surtout l’histoire fassent leur œuvre, il faut que les hommes reconstruisent sur les ruines qu’ils ont eux-mêmes provoquées. Il faut surtout que les esprits réapprennent les droits et les devoirs de la paix. Et nous le savons, ces apprentissages sont longs, on le voit notamment vis à vis de la guerre d’Algérie.
Tout n’est pas réglé, loin de là. La construction européenne est en panne, après d’immenses avancées. L’Algérie a d’énormes difficultés à résoudre pour avancer dans la voie de la démocratie et de l’égalité. Mais nous avons su les uns et les autres oublier les années de plomb et construire.
Vous me permettrez aussi de tirer une leçon de ces épisodes à la suite des derniers scrutins que nous avons vécu il y a quelques semaines dans notre pays. Dans notre commune, comme dans toute la France, nous constatons une montée de l'abstention et des votes extrêmes. Je pense qu'une meilleure connaissance de notre histoire permettrait d'éviter la défiance de certains de nos concitoyens envers nos institutions, notre patrimoine commun, ce ciment que l'histoire a coulé pour que nous regardions l'avenir avec sérénité, pour que nous défendions notre unité nationale.
C’est bien le sens de ces manifestations que nous organisons devant ce monument aux morts, et plus particulièrement en ce 14 juillet, même si la météo ne nous facilite pas les choses. Cela ne suffit pas. L’éducation citoyenne est un immense chantier, auquel chacun doit se faire le devoir de participer. Mais les gestes symboliques comme celui que nous accomplisssons aujourd’hui ne sont pas négligeables, loin de là. Je terminerai donc mon intervention en vous rappelant les trois mots qui symbolisent cette fête nationale et qui n’ont rien perdu de leur valeur, 223 ans après la prise de la Bastille : ensemble faisons vivre ces piliers de la République que sont la Liberté, l’Égalité et la Fraternité.