Mardi 17 juillet 2012
Joie des vacances
Joie de retrouver, une année de plus, la maison de vacances familiale. Maison en sursis où chaque année, le temps pèse un peu plus sur cette bâtisse de deux étages avec vue sur mer (au dernier étage seulement) dont plus personne ne s’occupe vraiment. Chaque année, c’est un peu l’aventure : quels vestiges des précédents occupants allons nous découvrir au fond du placard, quel nouvel attirail dans le garage viendra un peu plus encombrer le seul espace où les enfants pourraient jouer à l’abri de la pluie sans faire un vacarme énorme (ô joie des planchers en bois), quel nouveau problème insurmontable la maison révélera-t-elle ?
En résumé, la conserve de cinq kilos de macédoine de légume est toujours là, avec son inséparable ami, la conserve de cinq kilos de carottes râpées. Il n’y a plus d’allumettes, mais ma tante a retapissé la chambre du bas où personne ne dort jamais. C’était celle de mes grand-parents. Une immense vitre d’un mètre vingt de haut, soigneusement emballée dans son papier kraft, est posée derrière la réserve de bois dans le garage. J’ignore sa destination, aucune vitre n’est brisée dans la maison. Le vieux barbecue cramé a laissé place à un nouveau. À moins que seuls les pieds n’aient été changés… qui sait ? Je n’aime pas le barbecue, trop dangereux et pas assez bon. Les velux du dernier étage (la vue sur mer) sont un peu plus verdâtre que l’année dernière, les charnières un peu plus réticentes à bouger. Il a fallu trois minutes à deux pour ouvrir le deuxième avec l’impression qu’il allait nous rester dans les mains. La fuite de gaz du chauffe-eau, constatée l’année dernière, n’a toujours pas été réparé. Pas grave, il suffit de cuisiner la fenêtre ouverte et de fermer le gaz dès que l’on a fini. Une gymnastique à prendre. Cette année, les tupperware sont encore moins nombreux : trois boîtes rondes pour autant de couvercles carrés. Normal. Le papier toilette par contre est de plus en plus présent. Chacun pensant en manquer en ramène, en rachète et l’entasse dans un coin, l’oubliant lors du départ. On recommencera l’année prochaine. Après tout, on ne sait jamais ce qui se passera d’ici-là. Nous sommes une dizaine de personnes à passer plus ou moins de temps ici. Jamais en même temps. La communication familiale, c’est pas trop notre fort. Encore, mes tantes communiquent par mail, joie de modernité. Moi, je n’ai que les échos lointains et ce liquide vaisselle Menthe-vinaigre.
Il n’était pas là l’année dernière et je me pose la question : est-ce un abandon volontaire ? Un oubli délibéré d’un produit dont le propriétaire cherchait à se débarrasser ? Est-ce au contraire un produit apprécié, acheté régulièrement par la personne qui remplaça le flacon vide ou absent par celui-ci ?
Autrefois, quand la maison vivait plus régulièrement, il n’était pas rare de trouver des conserves de produits étranges, des restes de nourritures inusités. Des pâtés d’algues biologiques, des spaghettis aux légumes, des huiles plus ou moins exotiques, des sirops aux couleurs étranges. Ce n’est plus le cas. Depuis quelques années, la maison est tombée dans un coma évident : l’entretien minimum est effectué a minima. Je me souviens qu’un jour, enceinte de cinq mois et désespérée de voir la cour s’ensabler, se couvrir de détritus porté par le vent, j’avais attrapé une pelle est réalisé un énorme tas, désherbant les allées, coupant, taillant, pendant deux jours entiers pour retrouver un semblant de dignité. Ma grand-mère s’était offusqué de cet énorme tas de sable d’un bon mètre de haut pour deux à trois mètre d’envergure. Ça n’était pas très joli. Ma grand-mère n’a pas remis les pieds dans la maison depuis des années, ma grand-mère ne quitte plus sa propre maison, pas même pour aller faire ses courses au bout de la rue. Cinq années plus tard, toujours enceinte de cinq mois, je m’étais attelée à remplir des sacs à gravats de ce mont de sable afin de terminer mon ouvrage, archéologue de cette cour datant de l’immédiate après guerre, j’avais redécouvert le sol pavé de briques dont j’ignorai l’existence.