Y'a des jours comme ça.
Où dès le matin, c'est la cata.
Où un client se pointe et, de son sourire niais aux grosses lèvres charnues (j'ai horreur des lèvres charnues) d'où coule un filet de bave (uniquement dans mon imagination, mais ça complèterait le tableau), ose me demander "Alors, Mlle Valente, toujours pas rencontré l'âme sœur ?"
A-t-on idée de poser cette question un mois après la Saint-Jelediraipoint. Et puis d'abord, comment il le sait que je suis célibataire, hein ? Aucune idée, mais ça ne l'autorise pas à se permettre ce genre de question. On est au bureau crétonerre, au bureau ! ça m'horripile au plus haut point, ce genre de comportement familier, comme si on avait gardé les rats ensemble. D'autant que je n'ai pas la possibilité de répondre comme bon me semble, du genre "ça ne vous regarde point" ou "si c'est pour qu'il finisse gros et moche comme vous, je préfère pas" ou "si si, mais vu que c'est une femme, je la cache" ou "de quoi je me mêle, rondidju".
Alors j'applique mon sourire le plus niais, je mordille mes lèvres fines histoire de les faire enfler un tantinet, histoire qu'il ressente cette grande complicité entre nous (qui se ressemble s'assemble), je bombe le torse, et je le regarde, en silence. Je deviens rose, puis coquelicot et enfin pervenche. Je m'emberlificote dans un bégaiement proche du mutisme et je parviens à ne pas répondre.
Mais, je râle. Je rââââââle. Deux heures plus tard, je pense encore à ce que j'aurais pu dire, à ce que j'aurais dû dire pour lui rabattre son caquet.
Avec un décalage horaire, j'ai trouvé. La prochaine fois, je sais ce que je lui dirai, même si je joue ma place sur ce coup là : "Et vous Monsieur Grosdeslèvres, toujours pas divorcé ?".
Na.