Max | Le Tour

Publié le 19 juillet 2012 par Aragon

Ben oui, le Tour c'est quelque chose ! Incroyable phénomène de société. Faut voir ce qu'on y voit : de tout. Le monde entier y défile, particulièrement dans les étapes de montagne. Hier, avec les fous de notre groupe VTT d'Amou, comme chaque année pour eux, pour la première fois pour moi (je m'étais toujours dégonflé ce qui est le comble pour un cycliste !), direction le Tour.

Chaque année, à l'occasion du passage du Tour de France cycliste, ils font un col des Pyrénées, en général le Tourmalet revient, c'est le chouchou. Redoutable chouchou. Cette fois c'est l'Aspin qu'a été choisi. Lever aux aurores, direction la montagne. On laisse les bagnoles, la remorque à vélos, à Sainte Marie de Campan et on entreprend de le grimper.

Du monde déjà alors qu'on est sur la pente aux alentours de 9h30. Plus on monte plus la foule se densifie. Véhicules de toutes sortes garés avec dextérité la gomme parfois presque dans le ravin. Sur les bas-côtés, dans les talus pentus, même parfois sur des rochers posés à plat dans des ravins, la foule et le matos ad hoc : Tables, chaises pliantes, couvertures, tentes. Gens attendant "le passage", afalés, couchés, assis, debout, écoutant la télé (oui), la radio, faisant des mots fléchés, mangeant des fruits, des sandwiches, des chips, du popcorn comme au cinoche, bouquinant, tapant la belote, engueulant les enfants, s'embrassant allongés dans l'herbe en tenues très légères, bronzant, faisant des photos, buvant le Pastis (oui) dès 10h du mat, des bières, activant par endroits des barbecues, regardant surtout TOUT ce qui passe sur la route, focale sur la route, dont nous - le groupe VTT -, dont moi (rien de narcissique dans cette remarque)...

Notre groupe s'est effiloché, on sait qu'on se retrouvera en haut. Certains se sont arrêtés à Payolle pour acheter les casses-croûtes de midi, moi j'ai fait l'impasse voulant continuer mon effort sans me "refroidir" sur un arrêt. Depuis que j'ai arrêté de fumer je sens mieux ma tuyauterie pulmonaire et le rythme est régulier malgré la déclivité par endroits à 9 %. Bonheur de pouvoir pédaler, se faire du bien, se faire surtout plaisir, je n'en bave pas et le soleil commence à être déjà infernal pourtant. Je passe au niveau d'une nana (âge mûr) à 3 km du sommet et là j'en prends un coup sur le cigare quand elle me dit très sérieuse, pas moqueuse, pas ironique, pas trop condescendante non plus mais comme si elle était attentive à moi : " Courage papi, allez, allez..."

Jamais on ne m'avait traité de "papi" avant, ça fait vraiment drôle, je vois alors défiler sur le bitume en un instant ma vie et tous mes anniversaires, j'accuse le coup, je morfle salement, mais je réagis. J'accélère rageur. Mon vélo me rassure et me dit de pas m'en faire tant que je pourrais mettre mon cul sur sa selle.

En haut après douze kilomètres de montée sous un soleil de plomb : la foule. Drue, compacte, colorée, vociférante, agitée. Des buvettes, des flics, des autobus, des estrades, des barrières, de la couleur, beaucoup de couleur. Des rencontres aussi qui vont pas tarder à se manifester et je suis con de penser après que j'avais un dictaphone sur mon iPhone, j'aurai pu enregistrer des trucs. Une autre fois j'y penserai. Pas évident remarque, sous le soleil, avec la réverberartion de faire ne serait-ce qu'une photo. On voit souvent pas grand chose avec du numérique téléphone-photo. Les autres - le reste du groupe - sont arrivés, on se congratule, on attend les derniers, on boit une mousse, puis deux, délicieuses, hmmm !!!

Puis, je laisse ma bécanne contre une remorque, je marche, aux aguets, je veux voir le monde, la foule, de plus près, les gens. Et le monde est là. Merveille des merveilles quand le monde est là, que tu lui parles. Que tu es en relation avec lui, à l'écoute. Que tu échanges, même avec le langage des signes, dans un anglais approximatif mais tu te rends compte que le dialogue, miraculeusement, se fait. Et tu rencontres des gens formidables, simples, joyeux, beaux, gais, heureux et tu leur dis des trucs et ils te disent aussi. Et il n'y a pas de place pour le hasard, les rencontres sont les rencontres quand tu vas, quand tu marches, quand tu parles, rien de miraculeux, que du naturel, que de la vie !

J'ai rencontré Colin Lynch, irlandais, quarante et un ans, champion du monde cycliste, qui me dit de bien regarder la télé pour les JO paralympiques de Londres, il va gagner m'assure-t-il dans un éclat de rire communicatif, merveilleux Colin, leçon de vie ! Amputé, ses guiboles c'est du carbone et il a grimpé l'Aspin les doigts dans le nez et il escalade avec sa bécanne des cols redoutables. Puis je rencontre Phil un australien et sa mascotte de kangaroo géante "Teezy" qu'il va agiter frénétiquement le temps du passage du peloton pour encourager ses compatriotes "aussies", puis un petit groupe de cyclistes, je vois un ours que je connais sur leurs maillots, c'est le symbole de l'État, et le nom de cet État "California" s'affiche aussi sous le plantigrade. Je vais vers eux, salutations & sourires (toujours des sourires) & questions, je leur demande. Réponse : ils font toutes les étapes de montagne du Tour. Ils sont jeunes, gentils, enthousiastes, adorent le vélo et sont venus spécialement des States pour l'évènement et ils reviendront.

Je continue à marcher parmi la foule, soudain "ça sent le souffre", je vois des cornes rouges se profiler à l'horizon, je fonce, ça me rappelle trop la pièce de théâtre que nous montons en ce moment. C'est ELLE ! C'est DIABLE ! C'est une diablesse qui remonte la foule, se dirige vers la ligne d'arrivée, sur le côté bien sûr. Les flics la regardent, inquiets. Les gens la regardent, souriant. Quelle ambiance ! Je me lance, j'accoste cette redoutable personne, je veux savoir : C'est Sylvie qui vient du Québec, comme un gland j'ai même pas pensé à lui demander d'où. Si tu lis ce blogue Sylvie, laisse un commentaire et dis-nous d'où tu viens diabolique cousine. Sylvie, jeune, belle, solaire, amoureuse du vélo comme Pierre Foglia mon pote de La Presse de Mtl. Pas diabolique pour un sou mais son accoutrement c'était vraiment le fun et ton sourire Sylvie aussi beau que la journée que nous vivions alors !

Quelque chose se passait dans la montée, on a vu tout d'un coup débouler les prémices. L'incroyable caravane du Tour ! Le bonheur des mômes et des grands qui chopaient à la volée ce qui giclait des véhicules : bonbons Haribo, gâteaux, ballons, sacs en plastoc, boissons, journaux, porte-clés, des tas de trucs, de menues cochonneries, qui faisaient hurler de plaisir tous les gens agglutinés sur le bord de la route... Du délire cette caravane du Tour. Puis le calme avant "la tempête"...

Puis, "ils" sont passés. Le français Thomas Voeckler était largement en tête, près de onze minutes sur le peloton, et la foule (chauvine mais bon enfant) rugissait et chavirait de plaisir. Ils sont passés longtemps, longtemps, la foule applaudissait à tout rompre. Le dernier, suivi par la "voiture-balai" a été particulièrement ovationné.

Délaissant le bitume encombré de véhicules agglutinés qui redescendaient, enfourchant nos VTT nous sommes redescendus par la forêt, par les pistes, par les merveilleux "alpages " de Payolle. Descente vertigineuse parfois, tempérée cependant, de temps à autre, par l'ascension de redoutables raidillons. Voilà ce que c'est quand on sort des sentiers battus. Revenus aux voitures la table fut mise au bord du torrent et "ça" dura tard dans la nuit... Que du bonheur le vélo ! Que du bonheur le VTT ! Que du bonheur...