Magazine Journal intime

Scènes d’une promenade quotidienne

Publié le 19 juillet 2012 par Anaïs Valente

Chaque jour, grande décision de l’année (prise hier, ah ah ah), une petite promenade s’impose, iPod sur mes jolies oreilles, qu’il vente ou qu’il neige (comme annoncé récemment sur la carte de Belgique).

Journée exceptionnelle : le soleil est présent. 

Je me choisis donc une musique bien triste et déprimante, une comédie musicale (je sais, j’ai des goûts de chiotte, mais j’assume ma dévotion totale pour toutes les comédies musicales, pour Secret Story et pour Sex & the City).  Hier, j’avais opté pour le dynamisme d’Anastasia, aujourd’hui, va comprendre, j’ai choisi que la voix de Sofia Essaidi me susurre sa déprime.

Et la promenade commence.

Les cygnes sont seuls, pas de bébé cette année, enfin un seul, là-bas au loin, sur un autre territoire, pas le mien.

Deux couples de bateliers ont installés leurs chaises et déjeunent ensemble.  Je peux me joindre à vous ?

Une famille entière de bernaches déjeune, elle aussi, en picorant l’herbe encore noyée de rosée.  Joli spectacle.

Je croise un landau.  Accompagné bien sûr.  Puis un autre landau quelques dizaines de mètres plus loin. 

Une corneille tente, elle, d’emporter son déjeuner dans son bec, se goinfrant de pain sec (quand les gens comprendront-ils que le pain est mauvais pour les volatiles ?).  Les morceaux tombent de son bec, s’éparpillent, elle les reprend, les laisse tomber à nouveau, se remet au travail.  Et moi je l’observe, j’admire sa ténacité.  Elle parvient enfin à tous les saisir et s’envole lourdement vers l’autre rive de la Meuse.

Odeur d’herbe coupée, j’aime.  Haie en pleine tonte.  Puis une autre haie en cours de tonte, quelques dizaines de mètre plus loin (bis).

Vois-je double ?

A la troisième haie chez le coiffeur, je le confirme : je ne vois pas double.  C’est juste que ce joli temps si exceptionnel a fait sortir tout le monde.

Tout le monde ?  Pas tant que ça, plus personne à l’horizon, ni derrière moi, ni à droite, ni à gauche (logique, à gauche, c’est la Meuse).  Je suis totalement seule, et la musique renforce ce sentiment de solitude intense. 

Je m’offre un cécémel glacé que j’avale goulument en continuant ma balade.

Admiration intense pour cette petite maison si joliment rénovée, moderne, tout en ayant gardé tout le charme de la pierre bleue.  Hier, les volets étaient fermés.  Ce jour, ils ne le sont plus, et des géraniums roses ont envahi la terrasse.  Superbes.

Un peu plus loin, cette petite maison qui offre d’habitude de jolies pensées sur ardoise m’offre une ardoise vide.  Keskispass ?  Zont déménagé ?

Encore un chouia plus loin, le propriétaire de cette adorable maison aux châssis verts se prélasse en lisant devant son bow window avec vue sur Meuse.  Hier, c’est le chat qui se prélassait.  Aujourd’hui le maître.  Mais qui est le maître de qui ?  Et de m’imaginer à sa place, à leur place, devant ce bow window, lovée sur le fauteuil à bascule que j’y installerais indubitablement.  Oh comme j’en rêve, de vivre face à l’eau, de me perdre dans son mouvement incessant, durant des heures.

Je continue ma balade, qui vire à la séquence nostalgie lorsque je me dirige vers la maison de mon enfance.  Cette maison que je n’ai jamais aimée pourtant.  Tout m’y faisait peur : les araignées qu’elle abritait, les escaliers à claire voie que je devais gravir.  J’y ai de beaux souvenirs.  J’y ai tant de mauvais souvenirs aussi et au fond de moi cette sensation qu’elle m’a tout pris, tout volé. Toutes mes illusions.  Ma foi.  Foi en la famille. En la confiance.  En l’amour.  En toute idée de bonheur.  Une foi que je tente de faire renaître depuis, en vain.

Ben voilà, je pleure, devant cette maison dont l’architecte avait bu en dessinant le toit, qu’il a fait tout de travers. 

Décidément, cette musique ne me vaut rien.

Je pleure sur le terrain vague voisin, source d’inspiration de mon enfance, avec ses soupes à la terre, devenu le chantier d’un immeuble à appartements.

Je pleure sur la maison voisine, première de mes nombreuses confrontations avec la mort, devenue, elle, terrain vague, qui me permet d’aller découvrir l’arrière de mon enfance.

Je pleure sur mes illusions perdues depuis vingt ans.  Jamais retrouvées.

Et tandis que je pleure, un voisin rode autour de moi, ouvrant diverses boîtes aux lettres.  C’est sûr, il va appeler la police.  Ou l’asile.

Alors je m’en vais, admirant ces maisons que j’ai vues et revues durant des années, qui ont, depuis lors, toutes opté pour des châssis gris ou bleus.  Ah la mode…

Je rejoins la Meuse pour le retour dans mon home sweet home, la larme toujours à l’œil.

Et cette musique qui n’arrange rien, qui parle de rupture, de désillusions, de mort aussi :

« Si nos vies sont si peu de choses

Et le ciel un sanctuaire au cœur immense

Où tous ceux qu’on a aimés se reposent

La vie prend alors toute son importance »

Je pense à ma chère Attrap’sushi qui y est confrontée en ce moment même, et je pleure à nouveau, titchu.

Repérant des pêcheurs au loin (j’avais écrit pécheurs…), je sèche mes larmes, ça fait mauvais genre, une femme seule qui pleurniche sur le hallage. 

Je rentre chez moi, abattue, décidant, pour la promenade de demain, d’écouter Mika, valeur sûre pour une balade, cette fois, dynamique et joyeuse.

A mon retour, ma solitude est illico balayée par tous ces appels en absence sur mon gsm non emporté dans mes pérégrinations.

Et je repars illico pour une autre balade, en compagnie cette fois, puis pour une longue papote et enfin pour un barbecue improvisé.

Que du bonheur. 

Adieu donc la solitude et les larmes.  Merci à ceux qui, hier, sans vraiment le savoir, les ont fait disparaître et sont apparus dans ma vie juste au moment opportun.

Et cette petite chanson dont on m'a parlé durant cette journée vraiment étrange, faite de gros chagrins et de petites joies :


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