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Vérité et liberté de recherche : comment le véritable progrès implique la stabilité (1)

Publié le 20 juillet 2012 par Hermas

Nous publions ce texte qui, certes, relève d'une apologétique de l’Église mais dont il est aisé de tirer des enseignements sur la morale en générale, la morale politique en particulier et la vie politique où, pour paraphraser la Déclaration des droits de l'homme de 1789,  « l’ignorance, l’oubli ou le mépris [des vérités reçues du passé] » et une perversion du sens de la liberté, prise comme fin et non comme moyen, « sont les (...) causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements ».

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onformément à une conception juste de l’évolution, l’Église actuelle, si grande, si développée et apparemment si différente soit-elle par rapport à l’Église primitive, est malgré tout la même société fondée par Jésus-Christ. Toute sa constitution et ses institutions étaient contenues, pour le moins en germe, ou implicitement, dans l’œuvre immédiate du Sauveur, et tous ses dogmes, son culte et sa morale ne sont rien d’autre que l’enseignement même, oral ou virtuel du divin Maître, c’est-à-dire sa parole de vie, déjà expérimentée, vécue, mise en pratique, éclairée et développée dans ses conséquences légitimes.

Aucun des dogmes catholiques n’est d’origine humaine. Tous s’enracinent dans l’enseignement divin. Ils sont soit une simple conséquence des paroles et des œuvres du Rédempteur ou de ses messagers, soit ses propres sentences, même si elles sont parfois exprimées en d’autres termes pour les mettre à la portée de tous et sans risque d’erreur.

Une fois défini par l’Autorité infaillible, le dogme demeure toujours immuable, avec un même sens subjectif et objectif, de même que demeure toute vérité absolue, de même encore que demeure la vérité d’un théorème géométrique pleinement démontré. Celui-ci ne pourra jamais être compris autrement ; il ne pourra jamais être pris en un autre sens, différent du premier. Cependant, il pourra être mieux compris, être approfondi, élargi de plus en plus, être considéré sous tous ses aspects, analysé, approfondi, développé et manifesté dans toutes ses conséquences. C’est en cela que consistent le véritable progrès et la fécondité des sciences mathématiques : à conserver, développer et compléter les vérités acquises, et non pas à les mutiler, à les contredire ou à les rectifier. Cela, ce serait errer et dégénérer. C’est en cela aussi que consiste la véritable liberté scientifique : à suivre fidèlement, à obéir et à utiliser les lois de la logique.

La même chose s’applique au sujet du dogme, qui est en soi une vérité pleine et absolue et qui est pour nous « parole de vie éternelle ». Il pourra être mieux compris, plus largement ou plus à fond, mais sans démenti ni rectification possibles. Nous pourrons le vivre avec plus de perfection, déduire ses conséquences, ses dérivations, ses expansions et ses applications légitimes, mais jamais nous ne pourrons le comprendre en un autre sens sans le nier ou le détruire ou, pour le moins, le défigurer. Vécu, il s’harmonise avec toutes les exigences et les conditions véritables de la vie et de la pensée. En cela, il ne souffre ni perversion ni violence ; il sert au contraire de norme infaillible à tout. Au lieu de nous asservir, de nous paralyser ou de nous rendre apathiques, il nous préserve des tromperies, nous stimule et nous dirige sur le chemin de la vérité et du bien, comme toute lumière authentique.

Nous jouissons dans l’étude des dogmes de la même liberté que dans celle des sciences. Car le dogme n’est pas, comme les protestants orthodoxes le prétendent, une vérité pétrifiée mais une vérité vivante. Il vit et prospère dans la conscience des fidèles, chacun se l’assimilant selon sa manière d’être, avec plus ou moins de perfection, pour croître et fructifier en bonnes œuvres (Col. 1, 6-10). Ce “talent” divin n’est pas si intangible qu’il doive demeurer comme enseveli. Il doit au contraire être bien administré, manié, utilisé et, à la manière d’une semence vivante, semé et cultivé dans nos propres cœurs pour croître autant qu’il est possible au profit de notre divin Maître.

La liberté et le progrès qu’il peut y avoir dans les autres vérités vivantes, que nous assimilons par la culture de la science, tiennent tout entiers dans cette utilisation et cet accroissement. Cette liberté et ce progrès ne consistent cependant pas à pouvoir rejeter ce qui est déjà bien connu pour y substituer d’autres affirmations, vraies ou fausses. Ils consistent à conserver fidèlement les bonnes acquisitions et à les perfectionner, à les affiner, les étendre, les développer, les appliquer et les compléter par d’autres nouvelles. Ils ne consistent pas à « changer d’idées comme de chemise », ainsi que le croient certains “intellectuels” mais à les améliorer, les amplifier, en corrigeant, s’il est nécessaire, ce qu’il y avait en elles d’inexact, de confus ou d’incomplet, à les clarifier, à les compléter les unes par les autres et à en déduire toutes les conséquences que permettent les lois de la logique, de la vie et de la saine raison. Méconnaître ces lois, même sous prétexte “d’originalité”, n’est que de la sottise, de l’aveuglement, de l’extravagance et de “l’excentricité”, du libertinage ou de l’égarement. La liberté et le progrès consistent à suivre ces lois et à leur obéir fidèlement pour rester sur la voie, à s’attacher aux conséquences légitimes sans s’écarter d’elle. La liberté consiste à pouvoir user des moyens adéquats pour trouver la vérité encore ignorée et éviter ce qui désoriente et conduit à l’erreur. Elle consiste à bien apprécier les arguments et leur portée et à ne pas prendre pour de la raison ce qui n’est en réalité que passion ou prévention.

Il faut pour cela une sincère impartialité. Celle-ci ne consiste pas dans une indifférence à l’égard de la vérité. Elle suppose au contraire un pur amour de ce dernière, qui ne se laisse vaincre ni par l’intérêt ni par des visées bâtardes. Celui qui, dans la recherche de la vérité, est disposé à la sacrifier à quelques convenances ou intérêts que ce soient, celui-là n’est pas digne d’elle et ne parviendra pas à la posséder fermement. Une fois la vérité trouvée dans sa pureté, la liberté de la chercher cesse. Il ne reste que le devoir de l’accepter, de l’aimer et d’y adhérer d’une manière immuable, joint au droit de la clarifier, de la mettre en relation avec d’autres, de l’étudier sous tous ses aspects, à fond et dans toute son amplitude, pour en déduire tout ce qu’elle contient virtuellement. Dans cette déduction, nous ne sommes pas libres de suivre les règles qui nous agréent le plus, nous devons – sauf à préférer la passion à la raison, la tromperie à la certitude et l’égarement au progrès – respecter fidèlement les lois inflexibles du développement de la vérité elle-même, c’est-à-dire celles de la raison et de la logique, sans nous laisser guider par les velléités du caprice ou du vain prurit de passer à peu de frais pour des “originaux”.

En somme : la légitime liberté de recherche, dont nous jouissons pour parvenir à la connaissance de la vérité, consiste uniquement à savoir et à pouvoir préférer les moyens les plus adaptés, ou les moins inadéquats, et à exclure totalement ceux qui sont illusoires ou n’y peuvent pas conduire. Elle cesse absolument lorsque la vérité est bien établie ou découverte.

(à suivre)

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(1) Tiré de Desenvolvimiento y vitalidad de la Iglesia, t. 1, 1974, pp. 75-85


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