Ceci n’est pas une pipe. Légende mythique du célèbre tableau de René Magritte, La trahison des images, posant le constat de la différence entre la représentation d’un objet et l’objet lui même. Dans le cas d’une œuvre de fiction cinématographique, cette distinction est d’autant plus considérable, eu égard au rôle du scénario et de la mise en scène. Effets spéciaux, maquillage, l’illusion demeure parfaite si toutefois le spectateur accepte les codes du genre, dans une sorte de pacte tacite avec la réalité. Auquel cas, lui sembleront plausibles les scènes les plus absurdes. Les plus surréalistes.
Ainsi, lors d’une séquence de fusillade de blockbuster américain, la violence est esthétisée dans le but de la transformer en divertissement. Les scènes de combat sont semblables à d’élégantes chorégraphies qui feraient passer le génocide arménien pour Le lac des cygnes. Le massacre des Innocents pour Le sacre du printemps. En famille, on découvre le dernier épisode de Rambo, Hulk, ou autre homme providentiel qui saura rétablir la paix dans le monde à coup de kalachnikov et de pains dans la gueule.
C’était sans compter sur le dénommé James Holmes, auteur cette semaine d’une fusillade dans un cinéma du Colorado, tuant plus d’une dizaine de personnes à l’avant première du film Batman. Une tuerie d’autant plus mémorable que son protagoniste a agit au moment précis où la fiction présentait le simulacre d’un tel carnage. En anti-Magritte qui s’ignorait sans doute, ainsi a-t-il accomplit son geste possiblement intitulé : Ceci est une véritable fusillade.
Dans un pays où il est plus simple de se procurer une arme de guerre qu’une protection sociale, ce type d’événement est devenu coutumier. Aussi coutumier que les scènes de guerre factices pour vendeurs de pop corn de salles obscures. Dès lors, force est de constater que le cinéma est devenu une source d’inspiration non négligeable pour quelques individus en mal de sensations fortes. Ces derniers n’ayant qu’à se laisser galvaniser par la brutalité contenue dans les différents films ; eux mêmes conçus par des auteurs qui ne feraient que transposer de manière ludique à l’écran la cruauté d’une société gavée d’images violentes par ces mêmes concepteurs…
« L’acte surréaliste le plus simple consiste à descendre dans la rue révolver au point et à tirer au hasard dans la foule » affirmait André Breton dans son Manifeste du surréalisme, négligeant les effets d’une telle sentence. Ainsi, l’idée suit son chemin parmi les artistes de l’extermination, les esthètes de l’hécatombe. Ceux qui peignent l’horreur dans des tons rouge sang. Raflant de leur fusil auto mitrailleur, la une de l’actualité avide de faits divers sordides. Bien aidé en cela par la soif d’hémoglobine du spectateur lambda, faut-il ajouter à leur décharge.
Pendant ce temps, dans les salles de cinéma à 10€ la place, la violence gratuite reste belle et bien payante.
Guillaume Meurice
22/07/2012