Le 8 mars célèbre la journée internationale des droits des femmes. Bien qu'officialisé par les Nations Unies en 1977, cet évènement reste assez méconnu puisqu’aujourd'hui encore on pense bien souvent qu'il s'agit d'une "fête". Alors pour nous éviter les réflexions affligeantes de femelles égarées, au point que l'on serait tenté parfois de basculer dans le camp adverse, mettons les choses au clair une bonne fois pour toutes. NON la journée internationale des droits des femmes n'a pas été créée dans le but de te dispenser de faire la vaisselle au moins un jour par an. NON la journée internationale des droits des femmes n'est pas la journée pendant laquelle tes collègues masculins doivent redoubler d'attentions à ton égard. NON la journée internationale des droits des femmes n'est pas une énième invention commerciale machiavélique pour nous pousser une fois de plus à nous auto-sacrifier sur l'autel de l'hyperconsommation. Oublie donc les bouquets de fleurs, les chocolats, les parfums, les bijoux et les sorties au restaurant. Réserve tes caprices puérils et ton avidité frustrée. Tu auras bien assez de ces quelques occasions qui ponctueront ta vie d’esclave pour te donner l’illusion que celle-ci vaut la peine d’être vécue et assouvir ta soif refoulée de revanche sur ton acquéreur.
La journée internationale des droits des femmes marque un bilan annuel sur la situation des femmes dans le monde, autant dire qu’il n’y a là rien de bien réjouissant ni de bien festif. Cette journée trouve son origine dans les luttes menées au début du XXème siècle par les ouvrières et les suffragettes en Europe et aux Etats-Unis pour l’égalité des droits, pour de meilleures conditions de travail et pour le droit de vote. L’idée a été initialement proposée en 1910 par Clara Zetkin, enseignante, journaliste directrice de la revue des femmes socialistes, Die Gleichheit (L’égalité) qu’elle a elle-même fondée en 1890, femme politique allemande, et militante acharnée pour les droits des femmes, à l’occasion de la 2ème conférence internationale des femmes socialistes. D’abord une tradition qui s’inscrit dans la mouvance révolutionnaire et socialiste à travers différents pays d’Europe, la date du 8 mars est officiellement retenue par les Nations Unies en 1977. Cette journée de manifestations à travers le monde est l’occasion de mesurer les aboutissements des revendications féministes et de faire l’état des lieux de la condition des femmes pour mieux préparer les combats à venir.
Mais peut-être que toi, femme tunisienne, estimes-tu qu’en effet tes acquis sont tels que cette journée du 8 mars mérite d’être fêtée ? Après tout, tu as le droit de vote, tu l’as même obtenu avant grand nombre de tes consœurs des grandes démocraties occidentales. Le fait que tu aies estimé inutile de te déplacer jusqu’au bureau de vote lors des élections car tu avais bien à faire avec les enfants à garder, le linge à laver et le déjeuner à préparer et que de toutes façons tes opinions te sont dictées par ton mari, n’est qu’un détail insignifiant. Tu as aussi le droit de participer à la vie politique, et même de briguer les plus hautes fonctions de l’Etat. Le fait que la majorité écrasante des Tunisiens refuse catégoriquement ne serait-ce que l’idée d’envisager une femme à un tel poste, n’est qu’un détail insignifiant. Tu as également le droit à l’éducation, tu es même devenue, au fil des années, majoritaire sur les bancs du lycée et de la faculté. Le fait que ton accomplissement personnel passe exclusivement par ta capacité à préserver ton hymen pour le porter intact jusqu’à la couche nuptiale, n’est qu’un détail insignifiant. Tu as le droit de travailler, la législation tunisienne consacre même l’égalité homme-femme dans le travail. Le fait que tu sois obnubilée par les tâches ménagères car l’entretien du foyer et la satisfaction du mari constituent ta fonction première et ta principale ambition au point que les discriminations et les inégalités dont tu es victime te semblent compréhensibles, n’est qu’un détail insignifiant. Tu as le droit de posséder des biens propres, ton mari ne dispose même d'aucun pouvoir d'administration dessus. Le fait que tu te soumettes sans sourciller à ses quatre volontés quant à la gestion des affaires de la famille car les usages et la coutume t’imposent d’être à sa charge et de lui témoigner une obédience aveugle, n’est qu’un détail insignifiant. Tu as le droit de divorcer, une batterie de lois a même été promulguée pour te garantir protection et justice. Le fait que tu te préoccupes du « qu’en dira-t-on » au détriment de ton intégrité physique et morale, n’est qu’un détail insignifiant.
La mentalité résolument misogyne dans laquelle tu baignes depuis ta plus tendre enfance, les principes rétrogrades que l’on t’inculque inlassablement finiront par avoir raison de tes droits les plus fondamentaux. Dans le contexte actuel de la Tunisie tes maigres acquis même si tu les crois inaliénables ne résisteront pas face au démantèlement méthodique auquel se livrent sans relâche le camp islamiste et ses alliés opportunistes. En cette période de grands changements au cours de laquelle le véritable visage de la Tunisie se révèle, le Code Du Statut Personnel que tu t’obstines à invoquer comme une divinité protectrice dès que l’on tente de te mettre en garde contre les dangers qui te guettent est bien trop lacunaire pour constituer un réel contrepoids. Le bilan de la honte aura été marqué cette année par des attaques quasi quotidiennes d’une violence haineuse sans précédent contre le statut de la femme tunisienne: la polygamie, les mères célibataires, la discrimination à l’embauche, le mariage coutumier, le voile, le niqab, l’excision, etc. Preuve s’il en est que cette journée du 8 mars revêt son sens le plus complet, le plus profond, le plus originel et qu’elle mérite au moins que tu lui accordes quelques heures de ton temps. Si tu ne défends pas tes droits, tu n'en mérites aucun : intégralité des programmes des manifestations organisées à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes à travers toute la Tunisie.