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تونسي ولّا ماكش تونسي ؟

Publié le 22 janvier 2012 par Lilithmataziasim @PaNoAlMi
Lors d'un séjour récent à Mahdia, une amie a eu vent de l'histoire d'un petit garçon belge qui serait mort noyé fin juin dans la piscine de l'hôtel. Soupçonnant une nième rumeur visant à saboter les efforts de redresser le tourisme en Tunisie, cette personne s’adressa directement au personnel de l'hôtel afin de vérifier l'information. Ils ont confirmé sans équivoque le décès d'un petit garçon belge dans la piscine de leur hôtel mais en prenant soin de préciser que la mère elle-même avait innocenté l'hôtel de toute responsabilité puisque le petit garçon, très turbulent, échappait souvent à sa surveillance et que, livré à lui-même, il avait réussi à retirer la grille de protection du conduit d'évacuation qui l’a aspiré entrainant le décès par noyade. Cette personne s’est alors étonnée qu’aucun média n’ait mentionné ce drame en Tunisie et décida donc d’effectuer quelques recherches sur internet. Elle trouva de nombreux sujets écrits et même un reportage télévisé où la version rapportée n’est pas exactement la même que celle donnée par l’hôtel.
Outre cette négligence habituelle aux hôtels en Tunisie et l'éternelle incompétence des secours que nous ne connaissons que trop bien, ce qu'il y a de terrible dans cette affaire c'est sa gestion véritablement inhumaine. Inhumaine, oui, car quel autre terme conviendrait à cette malhonnêteté révoltante ? Profiter du désarroi d'une mère qui vient de perdre son enfant tragiquement et qui se retrouve totalement désemparée dans un pays étranger pour lui refuser l'accès à la dépouille de son fils et lui faire signer des papiers dans une langue qu'elle ne connaît pas afin de s'assurer une confortable impunité juridique est absolument odieux. Cette affaire aurait-elle été ainsi étouffée si cette femme n'avait pas eu le malheur d'être une étrangère ? Le renfermement sur soi, la haine de l'autre ont-ils atteint en Tunisie une telle ampleur qu'il devient tout à fait commun de dépouiller un être humain, dont le seul tort est d'être un étranger, du plus inaliénable de ses droits dans l'indifférence générale et l'impunité la plus totale ?
Si je pose la question c'est parce que cette histoire m'en rappelle une autre, de gravité beaucoup moindre certes, mais tout aussi révélatrice de cette attitude hostile des Tunisiens de plus en plus avouée et assumée face à l'étranger :
Sur la grande route du quartier des Berges du Lac, non loin de l'hôtel Acropole, un banal accrochage, une foule échauffée attroupée autour des deux voitures, et un home vociférant à en perdre haleine.
لا عاد لا عاد كفاش تقول هكّا ؟ ما يجيش منّو! ما يجيش منّو! تجي معاه هو؟ تونسي انت و الّا ماكش تونسي ؟ تونسي انت و الّا ماكش تونسي ؟ قلّي انت تونسي  و الّا ماكش تونسي ؟ تجي معاه هو ؟ ما يجيش!
En dépassant cette foule j'ai pu voir que l'égosillé était en fait l'un des deux conducteurs impliqués dans l'accrochage et qu'il s'adressait à l'un des témoins sous les yeux ébahis de l'autre conducteur, un étranger, comme en témoignait sa plaque d'immatriculation, noir, de surcroît. Cette crise d'hystérie était vraisemblablement due au fait que ce témoin ait donné raison à l'étranger plutôt qu'à son compatriote. 
Il m'importe peu de savoir qui était dans son droit et qui était en faute. Ce qui m'interpelle ici, c'est surtout l'argument employé par le conducteur pour contester le témoignage qui l'accable : "indépendamment des faits, je suis dans mon droit parce que je suis Tunisien et tu dois être acquis à ma cause si tu te prétends Tunisien". L'accident aurait été grave et les dégâts importants, ce non-Tunisien se serait trouvé totalement démuni face à cette coalition hostile sans aucun moyen de faire valoir ses droits. Est ce là le sens de la dignité dont se targue cette nouvelle Tunisie des droits humains ?
La haine déclarée de l'étranger, cette déshumanisation implacable qui renie tout sentiment d'empathie, est une dérive dangereuse.  Elle s'installe insidieusement entrainant au final un rejet catégorique et systématique de toute forme d'altérité. La plus simple divergence d'opinion devient alors le déclencheur légitime d'une inimitié féroce. Et c'est ainsi que, alors que les débats font rage à l'approche des élections, de plus en plus de Tunisiens se laissent gagner par une forme de xénophobie pour le moins singulière. Réplique du "tu l'aimes ou tu la quittes" qu'on aime tant à déplorer chez nos voisins, elle perce à travers un argumentaire consistant à se déclarer dors et déjà triomphalement vainqueur des élections et à exhorter toute forme d'opposition à l'exil.
Y avait il réellement besoin d'organiser des élections si le désir des Tunisiens est d'être gouvernés par une majorité écrasante, uniforme et univoque, ne tolérant aucun désaccord ? N'était ce pas là ce que l'on reprochait au colossal RCD, rouleau compresseur despotique porté par le système du parti unique, de la pensée unique, étouffant les Tunisiens jusqu'à l'implosion ? N'est-il pas grand temps pour les initiateurs du printemps arabe d'exorciser définitivement les vieux spectres de la menace identitaire et de prendre enfin conscience que la différence est synonyme de richesse et non de menace ?

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