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Les invasions barbares

Publié le 16 juillet 2011 par Lilithmataziasim @PaNoAlMi
... et quand ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester.

L'heure est à l'indignation en Tunisie. Dans le cadre d'une manifestation culturelle pacifiste visant justement à défendre la liberté d'expression, une horde de barbus primitifs a pris d'assaut une salle de cinéma du centre-ville de Tunis : façade saccagée, participants et spectateurs agressés verbalement mais aussi physiquement. Six mois après la fameuse révolution pour la liberté, la dignité, la justice, et toutes ces belles paroles, le jasmin en ce début d'été exhale des relents de putréfaction.
Est-ce un acte isolé ? Non. La gangrène islamiste gagne du terrain un peu plus chaque jour et chaque jour ce sont de nouveaux aspects de la vie quotidienne qui succombent à la nécrose. Depuis les revendications les plus farfelues inspirées d'un autre âge, jusqu'aux agressions verbales et physiques de personnalités publiques ou de parfaits anonymes, en passant par les mascarades improbables organisées par leurs leaders politiques, chaque manifestation de ces barbus immémoriaux confirme, sans équivoque aucune, leurs intentions : confisquer le pouvoir et faire tomber le pays sous le joug d'une dictature théocratique.
Comment en sommes-nous arrivés là ? L'apathie. Ce qui est préoccupant aujourd'hui ce ne sont pas tant ces actes de barbarie - on l'aura compris, le barbu est un phénomène curieux résultant de la survivance à travers les siècles d'une espèce d'hominidé préhistorique - que leur multiplication. Car en effet, comment est-il possible que le pouvoir de nuisance de ces parasites s'en va grandissant sans que l'on puisse y mettre un terme radicalement. Leur existence même au sein de cette société est illégitime et chacune de leur apparition est le théâtre sordide de transgressions en tout genre. Pourtant, s'ils se complaisent tant dans la provocation, c'est bien qu'un certain sentiment d'impunité les conforte dans leurs agissements.
D'où leur vient cette arrogance ? Des membres des forces de l'ordre d'abord - oui ceux-là même à qui chaque citoyen délègue son droit de se défendre en contre-partie de l'assurance de sa sûreté. Quel est donc ce mal inouï qui s'est abattu sur eux depuis la révolution et qui semble les condamner à une inertie fatidique dès que les islamistes pointent le bout de leur barbe. Rappelons pour les étourdis que le ministère de l'intérieur trône massivement à l'entrée de l'avenue principale du centre-ville de Tunis, à une centaine de pas de la salle de cinéma attaquée dimanche par les factionnaires d'Allah. Pourquoi est-ce que ces illuminés dominicaux ont-ils eu le temps de détruire l'entrée du cinéma, de pénétrer à l'intérieur de la salle, de s'attaquer aux participants et aux spectateurs avant que la police n'intervienne ? Une passivité systématique pour seule réponse à leurs innombrables démonstrations de force à travers tout le pays, voila qui est bien douteux.
Du reste de la populace ensuite. Sans doute trop longtemps exposé aux radiations mauvesques de l'ancien régime, le tunisien lambda semble avoir littéralement absorbé le slogan "تونس بخير ". Circulez y a rien à voir, au pays des Bisounours tout le monde se tient par la main et danse la ronde de la joie. Les barbus sont une chimère, retenons notre respiration, serrons les dents et restons immobiles, ils finiront par passer leur chemin. Une mixture infecte, en somme, faite de résignation et de déni et qui n'est finalement que la démonstration flagrante de cette mauvaise foi que dénonce Nadia El Fani dans son film "Ni Allah Ni Maître", i.e. l'objet de la discorde. Excusant l'émotivité de l'abominable homme des sables, nombreux sont ceux qui compatissent à son ineffable douleur face à l'infâme. Ils justifient ainsi l'injustifiable arguant que la projection de ce film est une provocation à laquelle le contexte actuel de la Tunisie ne se prête pas, ou encore que les partisans de cette projection vont trop loin dans la revendication des libertés, rappelant qu'étant dans un pays musulman il fallait respecter certaines limites.
Noter tout d'abord cet aveu touchant de l’incompatibilité entre liberté et Islam. Dans un pays musulman on peut certes jouir d'une forme de liberté toute relative mais avec parcimonie et à certaines conditions. Reste à déterminer lesquelles, vaste débat, mais surtout faux débat. La liberté est entière ou elle n'est pas. Si négociations il y a, elles ne porteront que sur le mou de la laisse dont on concède à se parer. Ensuite, il est bien singulier de constater que dans un pays fraîchement "révolutionné" le mot liberté est synonyme de provocation. La seule liberté que prend le film pourtant, c'est d'interroger la société sur ses propres travers. La culture du non-dit, le culte de l'hypocrisie qui font de la schizophrénie une norme vitale en Tunisie. C'est bien là une réalité qu'aucun Tunisien ne peut ignorer, qu'y a-t-il alors de si offensant, de si offusquant pour ainsi risquer de faire échouer le défi démocratique au profit d'une bande de fanatiques allumés ? Car ce qui devrait nous inspirer un tel sentiment de rejet, ce n'est nullement le film en lui-même, mais plutôt la société qu'il dépeint et qu'il est grand temps de corriger. Par ailleurs, quel pire affront peut-on affliger à cette si merveilleuse religion qu'est l'Islam que de l'assimiler à l'hypocrisie sociale que dénonce le film au point de confondre critique constructive et blasphème ? Si l'on en croit la vindicte populaire, "Ni Allah Ni Maître" attaque l'Islam, devons-nous alors en déduire que l'Islam est un simple phénomène de société dont les seules valeurs sont le mensonge et l'hypocrisie ?
A moins que toute cette agitation ne serve que de prétexte à la persécution de Nadia El Fani à la suite de la déclaration publique de son athéisme. Ainsi, en 2011 en Tunisie, pays en apparence civilisé et ouvert sur le monde, assumer une opinion religieuse minoritaire est passible de mort. Devons-nous encore rappeler que la religion est une affaire personnelle et que chacun est libre dans la sphère privée de mener sa vie selon les préceptes qui lui conviennent ? De toute évidence oui. Mais ce qu'il est nécessaire de souligner par dessus tout c'est que sous un régime théocratique, chacun de nous est voué à devenir Nadia El Fani. Car si on estime aujourd'hui légitime de débattre publiquement d'une opinion personnelle simplement parce qu'elle porte sur la question de l'athéisme, demain ce sont des tribunaux populaires qui s'organiseront pour condamner la couleur trop voyante d'un foulard ou d'une paire de chaussettes. En effet, contrairement aux idées reçues imposées par cette simplicité d'esprit toute Tunisienne, faire parti du troupeau n'a jamais constitué une garantie et chacun peut s'en trouver arbitrairement banni. A fortiori en Islam où les interprétations se suivent et ne se ressemblent pas. C'est donc d'abord pour garantir ses propres droits que l'on défend celui des autres à être différents. La démocratie n'a jamais été l'affaire du plus grand nombre. Elle ne peut s'enraciner sans la pleine reconnaissance des minorités par la majorité. En revanche, devoir se soumettre à la volonté d'une majorité écrasante pour pouvoir bénéficier non plus de ses droits mais de certains privilèges, c'est là justement le propre de la dictature.
De fait, les attaques dont est victime Nadia El Fani ne font que confirmer une fois de plus la nécessité alarmante d'imposer la laïcité en Tunisie. Par leur barbarie, les islamistes ont effectivement instauré un rapport de force qu'on ne peut esquiver. A chaque occasion ils se sont montrés absolument incapables de dialogue et si le simple fait de leur déplaire nous vaut aujourd'hui tant de violence qu'en serait-il si par miracle ils accédaient au pouvoir ?  N'oublions pas que la Tunisie n'est pas encore un pays démocratique, elle n'en est qu'à la phase de transition et rien n'est acquis. Aujourd'hui l'heure n'est plus à l'indignation, la guerre est déclarée et c'est maintenant qu'il faut monter au front pas dans vingt-trois ans.

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