Magazine

Pourquoi les idées rétrogrades des islamistes pourraient facilement s'imposer en Tunisie

Publié le 05 juillet 2011 par Lilithmataziasim @PaNoAlMi
Bien que je sois tentée de faire un long récapitulatif de la "Révolution Tunisienne", dégoulinant de patriotisme larmoyant, ne serait ce que pour situer les événements qui me poussent à écrire ces quelques lignes, je préfère m'abstenir. Car de cette révolution tunisienne il ne me reste rien. De cette révolution tunisienne j'ai déjà oublié les images saisissantes de cadavres baignant dans des mares de sang, le visage, couronné d'un crâne émietté,  figé dans une ultime expression d'effroi. J'ai aussi oublié l'ivresse extatique du 14 Saint, les foules, les slogans, l'union, le Départ, les réjouissances, les célébrations, la solidarité.
Aujourd'hui ce peuple en liesse, paré de rouge et blanc, entonnant triomphalement l'hymne national a abdiqué. Sa prétendue gloire, il ne l'a pas cédée à quelque héritier du clan présidentiel déchu, ni à quelque autre figure politique ayant su saisir au bon moment les opportunités qui se présentaient. Non, le peuple tunisien a flanché devant un ennemi bien plus insidieux, plus dangereux, car il faut bien plus qu'un mois de violences et une journée de protestations pour en venir à bout. Il requiert de l'acuité, de la perspicacité, de la clairvoyance et surtout un long travail introspectif pour laisser derrière soi, une bonne foi pour toutes et avec conviction, ces a priori que l'on orne des titres de "tradition", "coutume", "héritage" ou encore "identité".
Aujourd'hui en Tunisie, pendant que chacun caquette, s'efforçant, les yeux rivés au sol, de picorer les quelques miettes illusoires jetées par la poignée de manipulateurs opportunistes qui ont su tirer leur épingle du jeu en maniant avec dextérité la fièvre dégagiste qui s'est emparée de la populace, pendant ce temps, des Tunisiens unis, s’efforcent de construire cette Tunisie nouvelle que tout le monde a rêvé à sa manière un certain temps, mais que chacun a relégué aux oubliettes pour une poignée de dinars de plus.
Ces valeureux citoyens, qui eux n'ont pas perdu de vue leurs objectifs, qui ont gardé intactes leurs ardeurs qu'ils déploient à l'unisson, ce sont les islamistes. Et le détail minime de leur absence durant toute cette révolution ne semble retenir l'intérêt de personne. Même aux journées les plus sanglantes, personne ne les avait vu, ni entendu, idem pour la fameuse journée du 14 janvier, où aucun messager du divin n'était venu se joindre à la fête, ne serait-ce que pour le quota, pour le principe, pour la photo souvenir, rien!
Maintenant que le danger leur a été écarté, que le champ leur a été laissé libre, maintenant que le véritable travail de construction commence, les troupes s'organisent. Ils ont la volonté, les moyens et le Coran. Et ce qui était, il y a encore quelques semaines, plus improbable encore que le départ de Ben Ali, prend de l'ampleur, et de jour en jour leurs rangs s’élargissent de nouveaux partisans. Des hommes, et des femmes même, qui ont passé toute ces années à ingurgiter les discours rétrogrades des chaînes wahhabites, sans oublier ces anciens exilés qui ont eu tout le loisir, dans cet occident du diable et au nom des libertés qu'ils conspuent aujourd'hui, de se former aux pensées les plus obscurantistes et aux méthodes les plus violentes, comptent bien la bâtir à leur image cette nouvelle Tunisie.
Je n'ai aucun mal à imaginer une dystopie où la Tunisie serait tombée sous la coupe des islamistes. Le scénario catastrophe ne semble plus être si loin puisqu'aujourd'hui on manifeste nombreux, en exhibant les drapeaux noirs, pour crier tout son rejet de la démocratie et même de la Tunisie, pour exiger le califat et le retour à la charia. Puisqu'aujourd'hui on prend d'assaut la synagogue de Tunis en scandant des slogans hostiles à toute forme de diversité. Puisqu'aujourd'hui sans aucune autre légitimité que celle de la violence, on ferme les maisons clauses et les brasseries, ces lieux de débauche dont il faut épurer la Tunisie. Puisqu'aujourd'hui après 23 années de dictature, les masses appellent au retour de la censure pour protéger les bonnes mœurs des Tunisiens des dangers perfides de l'internet.
L'alcool, le sexe et les juifs comme bouc émissaire. Qui pourrait leur opposer une véritable résistance avec une telle stratégie du détournement aspirant illico sous l'étiquette de la débauche et de la trahison chaque voix qui daigne s'élever pour dénoncer ces dangers. Et quels médias de grande écoute oseraient héberger des débats concernant les questions de la prostitution, la consommation d'alcool, la pornographie, sans se voir accusé de diffuser des messages hostiles à l'Islam, et d'être un instrument à la solde de l'axe sataniste américano-sionisto-maçonnique qui tente d'avilir la "Ouma" et de la maintenir dans la dépravation et l'ignorance pour empêcher son élévation et sa prospérité. Et allez leur expliquer après ça que nos juifs sont aussi Tunisiens que le plus barbu de leurs vrais musulmans.
Vous dites "laïcité"? Vous dites "liberté" et "diversité" ? La masse entend "débauche" et "sionisme", elle entend "identité"!
Cette masse, majoritaire, est tout acquise à leur cause, quoiqu'on en dise, la schizophrénie légendaire des Tunisiens ayant durant toutes ces années ouvert la voie à l'intégrisme et entretenu le feu secret des idées rétrogrades. Les revendications de ces islamistes ne représentent en effet que la prolongation de ces valeurs tunisiennes jalousement préservées dans toutes les couches de la société.
Comment voulez vous donc que la vox populi s'insurge, au nom de la liberté, contre la fermeture des maisons closes et l'appel à la censure des sites pornographiques, quand la sexualité sous sa forme la plus saine et la plus naturelle est elle-même marginalisée et diabolisée? Comment voulez-vous donc que la vox populi s'élève, au nom de la liberté, contre la fermeture des brasseries, quand la vente d'alcool est interdite les vendredis et que la consommation d'alcool est interdite durant le mois de ramadan. Comment voulez-vous que l'on glorifie les libertés individuelles quand dans notre société l'idéal unique et absolu de l'accomplissement personnel passe par l'exhibition des liens sacrés du mariage et l'institution de la famille? Comment voulez-vous que l'on s'indigne des propos phallocrates de ces islamistes quand la valeur de la femme tunisienne est jaugée à la qualité intacte de l'hymen quelle présentera en offrande à son acquéreur lors de la nuit de noces. Comment voulez vous que l'on défende bec et ongles le principe d'égalité quand entre les hommes et les femmes se dresse un gouffre insondable maintenu par une éducation partiale et inique dans les valeurs et les principes inculqués aux filles et aux garçons dès leur plus tendre enfance? Comment, est-ce que l'on peut, aujourd'hui en Tunisie, au nom de la diversité s'émouvoir des attaques contre la laïcité quand tout comportement contraire à la bienséance tunisienne n'est admis et accepté que de la part des étrangers sinon sévèrement réprimé au sein de la société par tous?
La vérité est que les Tunisiens ont trop longtemps nourri le mensonge publicitaire de l'exception tunisienne sans jamais se soucier de l'utilité de joindre l'acte à la parole. La vérité est que la société tunisienne est constituée d'un ensemble homogène d'entités identiques et que cette diversité qu'on s'échine à défendre n'a jamais existé en dehors de sa fonction ornementale. A califourchon sur les contradictions, les Tunisiens ont toujours fait le choix de l'hypocrisie et s'ils s'inquiètent aujourd'hui de l'emprise des islamistes c'est qu'ils savent pertinemment qu'ils leur ont eux-mêmes préparé le terrain pour un retour en grâce.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Lilithmataziasim 1789 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte