Deux questions principales viennent spontanément à l’esprit.
La première est celle-ci : qu’est-ce que la France ?
Il est tout de même curieux de constater que l’administration alors en place dans notre pays, ce que l’on appelle “le régime de Vichy”, a toujours été considérée depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, comme privée de toute légitimité. L’ordonnance du 9 août 1944, qui parle de simple autorité de fait, dispose que la République française n’a jamais cessé d’exister et que « sont en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels, législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la République française ». Traduit en termes non juridiques, cela signifie que, pour les autorités arrivées au pouvoir après la guerre, le “régime de Vichy” n’a jamais été une autorité légitime représentant la France. Il peut évidemment y avoir débat sur cette question, en soi, mais ce qui est également certain est que M. Hollande n’est pas de ceux qui y participeraient. Si donc il est si institutionnellement établi, y compris dans l’esprit de M. Hollande, que le “régime de Vichy” était une sorte de corps juridiquement étranger à la France, comment la rafle du Vel d’Hiv, qui lui est attribué, peut-elle être également attribuée à la France ?
Conscient, peut-être, de la délicatesse de cette attribution, M. Hollande n’a pas manqué de rappeler qu’il y avait eu, tout de même, de nombreux français à venir au secours des juifs pendant l’Occupation, qui ont parfois payé cette générosité du sacrifice de leurs propres vies. Ainsi que son propre ministre de l’Intérieur l’a rappelé peu après, il s’en est trouvé même parmi les policiers. L’Église catholique, quant à elle, y a apporté sa large contribution.
Mais alors, on en vient à ce curieux paradoxe : si la France est le criminel du Vel d’Hiv, qui étaient donc ces gens-là qui sont venus au secours des juifs ? Ils n’étaient pas la France ? Ainsi, un régime supposé n’avoir juridiquement jamais existé serait la France et ces gens ne le seraient pas ? Et si l’on se sent en droit de condamner la France, par quelle gesticulation cérébrale cette condamnation n’atteindrait pas ceux que les juifs eux-mêmes appellent des “Justes” ?
Questions corollaires : qu’est-ce qui a porté ces “Justes” à agir comme ils l’ont fait ? N’étaient-ce pas des vertus de France, n’était-ce pas cela, la France, pétrie de valeurs chrétiennes ? Étaient-ce les vertus démocratiques de « ce monde insolent et flétri », dont M. Hollande se réclame, qui donnent tant d’aise pour blâmer les crimes d’hier en regardant comme un droit de massacrer aujourd'hui des enfants à naître par millions en attendant de filer la mort douce aux agonisants ? Et puis : La France se réduit-elle à l’administration d’un jour ? M. Hollande pense-t-il lui-même, avec son gouvernement, être la France, faisant œuvre de justice là où la France d’hier aurait commis un crime ?
Il convient d'observer que les déclarations de M. Hollande, fort heureusement, ne manquent pas de censeurs. Malheurement, ces derniers
critiquent souvent la sottise des propos du Président pour verser dans une autre. Ainsi, il n'est pas rare de lire que la France, en 1942, n'était pas à Vichy... mais à Londres. Curieuse
conception tout de même de notre pays, qui consiste à l'aliéner, selon les camps, à telle obédience ou à telle autre ! Ainsi, selon cette autre thèse, les quelque 1300 marins tués à Mers-El-Kébir
sous les bombardements anglais, et qui se trouvaient à bord de navires aux noms pourtant évocateurs tels que Dunkerque, Strasbourg, Provence ou Bretagne, ne seraient probablement pas des marins
"de France", puisque "la France" était du côté de leurs assassins, comme n'étaient pas "de France" leurs centaines de veuves et leurs milliers d'orphelins. La France était ailleurs. Ironie de
l'histoire, l'un des négociateurs britanniques, qui allait condamner cette France-là, s'appelait le commandant Holland.
La seconde question principale qui vient à l’esprit est celle-ci : et qu’est donc M. Hollande?
Il y a peu de temps encore, M. Hollande, on s'en souvient, recevait encore le glorieux surnom de Flanby. Qu’est-il, dans l’Histoire, pour confondre dans ses condamnations un pays dans le devenir duquel il n’est et ne demeurera probablement jamais qu’un petit point obscur ?
Ce président que plus de 60 % des français inscrits – sans parler de ceux qui étaient en âge de voter – n’ont pas élu, et qui a été désigné plus par dégoût de son prédécesseur que par choix, qui se souviendra seulement de lui dans cinquante ans, alors que la mémoire d’un Pompidou est déjà devenue, pour la plupart de nos concitoyens, aussi vivante que celle du Patési de Lagash ? Il est donc plus que légitime de se demander en vertu de quelle autorité M. Hollande peut s’ériger en magistrat de l’histoire pour déclarer criminel son propre pays. Il est vrai, souligne-t-on à l’envi dans la presse, qu’il avance dans les nobles traces de M. Chirac. Ah, le grand homme que ce M. Chirac ! lui-même si connaisseur de la France qu’il put dire un jour que « les racines de la France sont autant musulmanes que chrétiennes ».
Questions corollaires : la première d'entre-elles, assurément, conduirait à se demander ce qui pousse désormais tous les dirigeants et M. Hollande en particulier, comme aussi ceux qui aspirent à le devenir, à surenchérir toujours davantage sur cette thématique de la Shoah et de l'antisémisme, jusqu'à en faire un passage obligé, nécessaire, de l'éducation morale de chaque enfant de France, comme si la Shoah pouvait et devait être - selon le mot de M. Hollande - « notre histoire », pour que chacun apprenne, malgré lui, à en porter l'éternelle culpabilité.
Ah que l'on aimerait que des dirigeants français ait le même zèle pour rappeler aux enfants de France que cette société, dans ses lettres, ses lois, ses arts, et jusque dans l'expression de ses révoltes, doit tout au christianisme, et que, selon le mot de Papini, quoi que l'on fasse, la mémoire du Christ y est partout.
Mais cela, c'est une autre histoire, non d'asservissement, mais de liberté.