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Auberjonois

Publié le 26 juillet 2012 par Jlk

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Un mystère émane de la peinture et des dessins de René Auberjonois,  qui fait de ce grand artiste vaudois une espèce de messager de quelque Ailleurs. Il y a chez lui du grand seigneur né coiffé et de l'humble chemineau, de l'humaniste dandy et du créateur secret jamais satisfait, dont l'art semble comme assourdi ou ralenti, hors du temps et à l'écart de toute représentation flatteuse ou seulement décorative . Ainsi le peintre se méfiait-il des paysages et de la trop  vive lumière ou du trop clinquant éclat, autant que de toute ligne trop virtuose.

La gravité d'Auberjonois échappe cependant à certaine pesanteur rabat-joie où le calvinisme romand et la grisaille vaudoise ont leur part, pour flamboyer sourdement, si l'on peut dire, dans les bruns dorés, les verts ombreux, les blancs cassés, les bleus passés, les rouges tirant au roux d'une palette non pas étroite mais concentrée, ramassée, intense dans son retrait, vibrante comme une basse continue.

Ceci pour la peinture, car les dessins ont leur force particulière, parfois leur folie. On passe alors de l'immobilité pensive des scènes peintes, scènes d'intérieurs, scènes de villages valaisans qu'on dirait espagnols, scènes de cavaliers ou de cirque, scènes de tauromachie, scènes de corps dénudés ou d'objets posés, scènes de tout un théâtre silencieux, aux cris de dessins et aux griffes, au vif tendre ou barbelé des dessins.

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Nota bene : La vie de René Auberjonos (1872-1957) est  celle d'un « fils à papa », selon son propre dire, qui n'a cessé de rompre avec les acquis bourgeois pour conquérir son propre univers, sa liberté et son moi. Né à Lausanne, de famille fortunée, il entre à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1897 après divers tâtons (dans la banque, la cavalerie militaire et le violon), copie les maîtres anciens à Florence (en 1900), rencontre Ramuz (en 1905) dont il restera l'ami privilégié, participe aux Cahiers Vaudois et à l'aventure de L'Histoire du soldat, séjourne alternativement à Jouxtens sur Lausanne et en Valais, à Paris et ailleurs, se marie plusieurs fois, impressionne Rainer Maria Rilke lors de sa première exposition personnelle, participe de près ou de loin à la vie artistique romande et française, traduit Joyce en français pour son plaisir, enfin repose au cimetière de Jouxtens depuis 1957. Ramuz et Gustave Roud ont consacré maintes fines pages à leur ami, mais c'est sous la plume de Cingria que nous trouvons la plus belle évocation du personnage. Charles-Albert remarque ainsi « qu'Auberjonois est exactement comme un chat. Le chat est propre : il est propre ; sec : il est sec ; grandiose : il est grandiose ; sobre : il est sobre ; gris : il est gris ; tigré : il est tigré ; net : personne n'a jamais été plus net. En un mot qui résume tout, Auberjonois résume le parfait matou gentleman. Ses cils et se sourcils, come ceux du chat, sont volumineux et grondants ».
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