La vie est ainsi faite, depuis quelques decennies, qu'un amour peut en cacher un autre.
Qu'un amour peut aussi s'estomper, et qu' il n'a rien de definitif dans la vie ordinaire.
Alors que j'avais 5 ans, mes parent ont opté pour le divorce. Et ils ont bien fait, ce n’était tout simplement plus possible, mon geniteur abusant de sa force a bien des egards envers ma mère.
Le temps aidant, et la vie suivant son cours, ma mere a retrouvé un doudou humain, une epaule qui a su la reconcilier avec l'idee de l'amour, l'idee de vie conjugale, et l'idee d' etre femme.Et mon père ( à l'époque il faisait encore office de pere), a cumulé les conquetes, toutes plus jeunes que lui, toutes effrayées a l'idée de devenir belle mere de deux petites filles de 5 et 6 ans.
Toutes acceptant la debauche d'alcool, la non responsabilité en tant que pere de cet homme.
Et toutes sont vite parties, face a cet homme qui avait tout d une brute irresponsable.L'une d'entre elles a essayé de rester mais est partie. Ma soeur et moi n'avons jamais su plus. La derniere fois que nous l'avions vu elle etait enceinte, il l'a frappée devant nous, elle est tombée et nous ne l'avons jamais revue. L'enfant etait il de lui? ou pas? Nous n'avons jamais posé la question.Et puis mon pere a rencontré une femme, une vraie, une qui n'avait pas peur. Une qui l'a remis sur le droit chemin.
Ma mere s'est remariée.Mon pere s 'est remarié.Nous avons connu avec notre beau pere l'image masculine, responsable et stable.
Nous avons connu les disputes, la difficulté de concevoir un enfant, nous avons connu la frustration d 'un beau pere qui eduque mais qui n'a aucun poids.
Nous avons connu l'amour d 'un non pere qui avait tout d'un pere.Nous avons herité ma soeur et moi d 'une belle mere, d 'une grande soeur, d'une formidable femme que je porterai a jamais dans mon coeur.
Nous avons connu la fertilité, la venue d'un petit frere alors que nous avions 14 et 15 ans, la joie, l'amour.
Puis l'hyperfertilité, la venue d'un second frere moins d'un an apres. Nous avons vecu tout cela.Nous avons tout pris en pleine figure, mais heureuses, pleines d'espoir et avides de famille, nous n'avons rien vu venir.
Et puis nous avons chutté.Nous avons connu la decadence de l'amour encore une fois...Ma belle mere a fui, avec ses deux momes sous le bras. Loin de cette violence. Loin de cette brutalité, loin de lui.Ma mere a fui, loin de cette infertilité, de cette pression paternante. Ma mere a fui loin de cette dependance affective qu'elle ne voulait plus subir.
Et nous , au milieu de ce chamboulement, nous avons reussi a tenir. Toutes les deux.
Nous pouvions voir nos petits freres de temps en temps quand ils venaient chez mon père.Nous ne pouvions pas vraiment les connaitre. Mais nous etions là quand ils etaient là. Nous ne voulions pas devenir des etrangeres. Et du coté de ma mère nous avons essayé de prendre un rythme.Ma soeur est partie a la FAC. Et moi je suis restée là, pendant une année de terminale assez chaotique... Mais j'ai eu mon bac, j'ai remplacé ma prof de piano en congé mater, j'ai rencontré mon premier amour, et je me suis occupée de ma mere.
Je me suis occupée de ma maman qui , malgré tout, avait continué a fréquenter mon beau pere, par amour, et etait tombée enceinte... enfin...
Mon beau pere est de nouveau entré dans nos vies.Et mon frere est né. Nous avions 17 ans d'ecart.Je l'ai vu naitre.Je lui ai donné mon coeur instantannement. comme aux deux autres.Je l'ai aimé follement.Je l'ai couvé avec ma mere.
Et puis une autre séparation est arrivée: je me suis disputée avec mon pere...Je me suis disputé avec l'homme qui me permettait de ne plus etre une etrangere face a mes deux petits freres agés alors de 4 et 5 ans.
J'ai retrouvé un frere inconnu. et je suis partie faire mes études à Carcassonne.Je n'ai pas vu mes petits freres ni mon dernier né (frere) pendant longtemps.
Je n'existais plus, sans ma soeur, sans mes frères, sans ma mère, sans mon pere, je n'arrivais plus a trouver mon équilibre. Je n’étais que moi.
Mais être moi ça ne suffisait pas.
Je n'existais pas, juste par moi même.
J'avais été toujours "la soeur de" , ou "la fille de" , et je n'avais jamais été moi. Par moi même.
Et ma dépression est arrivée.
Parce que être moi ça ne suffisait pas, parce que moi je n' était rien, parce que être "pomme" ça voulait dire quoi? parce que j'était en quête d'identité, de mon identité.
Qui étais je? Hormis "la soeur de"? hormis "la fille de"?
Que devais je faire?
Qu'attendaient les autres de moi?
Comment faire pour leur plaire? Pour réussir dans cette mission de devenir moi, quelqu'un de bien, quelqu'un d'aimé?
Trop difficile que cette question pour ma petite personne a l’époque.
Et je n'ai compris que bien plus tard...
10 ans après...
Si je vous raconte tout cela aujourd hui c 'est parce qu' a l'aube de mes trente ans, un déclic c 'est fait.
Je suis moi.
Je suis moi, Pomme, une femme.
Je ne suis pas une jeune demoiselle, je ne suis pas une adolescente, je ne suis pas une jeune adulte niant ses responsabilités.
Je suis une femme, je suis une mère, je suis une épouse.
Et je suis moi.
Je ne dis pas que j'ai parfois quelques soucis d' identité. Que j'arrive a prendre ma place par moi même.
Mais a force d'avoir vu ma famille éclater, a force d' avoir eu mon coeur éclaté, et bien mon identité elle aussi a éclaté.
Et je suis là aujourd'hui.
Moi.
Pomme.
Femme.
Juste par moi même.
Juste parce que j' ai une identité.
Juste parce que si les gens m'aiment c 'est par ce que je suis. Et non par ce que je pourrai être.
Juste parce que si les gens ne m'aiment pas, ils ne s’arrêtent tout simplement pas sur mon chemin.
Juste parce que si je suis moi. C 'est par ce que j'ai vécu, par ce que je vis aujourdhui, et par ce que je vais vivre.
Juste moi.
Là, maintenant.
Pomme, presque 30 ans, épouse, mère, femme, et enfin moi.