Magazine Humeur

Harcèlement de rue.

Publié le 01 août 2012 par Almiragulsh @DBEDF
Quelle merveilleuse idée que celle de cette étudiante du plat pays qui a décidé de faire un film sur cette chose extrêmement banale qu'est le harcèlement de rue.
Quelle affreuse déconvenue de constater les réactions de certains suite à la circulation de cette info, en mode "oh ça va hein les meufs, vous allez pas nous en faire tout un plat non plus"...
Et ben si. Tout un plat. Et avec l'apéro, les entrées, le plat principal, le trou normand, le fromage, le dessert et le café en plus. Resservons nous, ça fait pas grossir.
Oui, les filles se font emmerder par des types dans la rue. Je crois pas que ce soit nouveau. Je pense même que ça existe depuis que les rues ont été inventée. Avant ça, c'était du harcèlement de prairie ou de forêt, mais le principe était le même. Strictement. Pourquoi changer une si vielle recette? Une si charmante gourmandise? Tout simplement parce qu'elle est charmante et gourmande que d'un seul point de vue. Et en général, ce n'est pas celui de la donzelle.
Il y a plusieurs niveau au harcèlement de rue. Le premier, le basique est tristement célèbre. C'est le fameux "hé tsss madmoizelle, vazy comment tié charmaaaante, hé mamzelle, tu m'fait un sourire? hé mamzelle, pourquoi tu réponds pas? ha vazy, salope va!"
En général, on le flaire à 50m. Une bande de jeunes qui se marrent comme des baleines. Toi, en face, tu es seule, ou avec une autre femelle. En général ils sont toujours deux fois plus nombreux. Un quota qui doit les rassurer, je ne vois que ça. Dès qu'ils ont discerné que la silhouette qui arrivait sur eux était féminine, ils commencent à glousser, déjà très satisfaits de ce qu'ils vont te mettre dans la gueule. A moins qu'ils pensent que leur technique soit infaillible, et qu'elle se terminera par une partie de sexe endiablée, la maintenant, tout de suite, à même le DAB Crédit Lyonnais de la rue de la République un samedi à 14h. Comme on le flaire à 50m, on s'y prépare. Quand on peut, on dévie son itinéraire. On traverse la route. Mais des fois, c'est pas possible, ou alors on est tout simplement saoulées de devoir fuir, parce que c'est juste la quatrième fois de la journée qu'on se fait emmerder. Alors dans ces cas là, c'est méthode robocop. Tête droite, regard fixe, enjambées militaires, prêtes à encaisser le "salope" qui tombera forcément. Ma technique? Mon casque audio toujours autour à portée de mains. Ca ne fait fuir personne, mais au moins, ça préserve mes oreilles des insultes et de l'envie de tous les étriper.
Voilà. Ca s'est le coup classique.
Mais il y a aussi le vieux type bourré qui, au moment ou tu sors les clefs de ton sac pour rentrer dans ton immeuble va se glisser entre toi et la porte en te suppliant de l'inviter chez toi, l'haleine chargée de bière et les mains agrippées à tes avant bras. Devant ton refus poli (tu ne peux que refuser poliment, tu as face à toi un mec qui n'en est visiblement pas à sa première cuite, et que la moindre parole déplacée peut faire exploser la cocotte minute), il se fait évidemment plus insistant et resserre son étreinte. Et là, à part regarder ta vie défiler devant tes yeux, tu fais quoi? En général, tu mobilises des ressources insoupçonnées, et tu parviens à rentrer chez toi, mais avec la peur que demain matin, quand tu devras ressortir, le type soit là à t'attendre.
Il y a aussi ceux qui croient avoir une ouverture et qui se glissent dedans comme des bourrins. Je me rappelle de deux histoires qui m'ont fait flipper plutôt fort.
Un soir, de la lointaine époque ou je faisais du sport, je rentrais chez moi, en jogging, mascara aux joues, et cheveux collés de sueur sur mon front. Un homme entre deux âges et costume élégant m'arrête. Méfiante, comme à chaque fois que je me fais aborder dans la rue, je lui demande ce qu'il veut. Rien, juste l'heure. Je lui donne, rassurée et je trace ma route en direction du kebab. Je ressors, la bouche pleine de frites et de harissa, et là qui je vois? Le type de tout à l'heure. Comme c'est charmant, il m'a suivi, il veut m'inviter à boire un café. Je m'énerve, je lui dis de me laisser, et je me taille fissa en direction de chez moi. Quelques minutes plus tard, je me retourne. Qui je vois derrière moi, me faisant des grands sourires et des coucous joyeux? Il me propose de m'accompagner, comme ça, ça me laissera le temps de changer d'avis pour le café. Je m'énerve encore plus fort. Le traite de taré. ça le fait rire. Maintenant, je flippe carrément. Il est 22h, je suis à 10 minutes de chez moi, seule, et rien ne semble vouloir dissuader ce mec de me suivre. Je ne veux pas qu'il sache ou j'habite. Ma seule solution, un mec. Ce constat est tellement plaisant à faire quand on vit aux 21ème siècle et que l'égalité des sexes est pour toi une évidente priorité. Je me rue donc dans le restau très classieux ou travaille mon amoureux de l'époque, entre en trombe, en jogging, transpiration et harissa dans la salle blindée de gens très bien habillés mangeant des mets hors de prix, et je supplie mon mec de sortir dire à l'homme qui fait le pied de grue devant la vitrine de me foutre la paix. Bizarrement, ça a été radical. Pourtant dieu sait si aller jour la demoiselle en détresse auprès de mon amoureux nous a coûté à mes principes et à moi.
Une autre fois, je me suis fait avoir par un mec en fauteuil roulant. C'était il y a quelques années, à Montpellier. Un mec en fauteuil qui t'interpelle? Pourquoi se méfier? Là aussi, l'homme, qui aurait l'âge d'être mon père me propose un café. A l'époque, je n'ai pas encore 18 ans. Poliment, je décline, mais sans pour autant continuer ma route puisque je suis en train d'attendre mon tram. Le tram arrive. Tout en m'inondant de compliments sirupeux, il monte avec moi dans le tram. Sa roue se bloque. Forcément, je l'aide. S'en suit 25 minutes de supplications pour un café. Je ne sais pas quoi faire. Chaque fois que je fais mine de sortir, il fait mine de me suivre. Je ne peux pas lui dire d'arrêter, il est en fauteuil, j'aurais peur de passer pour un monstre. Finalement j'arrive à m'en dépêtrer,, et je l'oublie. Mais pas lui. Quelques semaines plus tard, je le revois à l'arrêt du tram. Le voilà qui me fait des grands signes et qu'il m'appelle et me supplie. L'épisode se répétera a épisodes régulièrement très embarrassants jusqu'à ce que je quitte Montpellier. Jusqu'au jour ou il me croisa à Avignon, et ou il mit son fauteuil en travers de mon chemin, en me rappelant à son bon souvenir. Ca fait bizarre de devoir hurler à un mec en fauteuil en pleine rue qu'il faut qu'il nous foute la paix. Je l'ai recroisé il y a une semaine, presque 10 ans après notre première rencontre. Il m'a vu, m'a refait ses grands signes de la main, avant de recommencer son cirque de'interpellations et de supplications. J'ai du encore une fois me barrer en courant, en faisant fi de cette dame qui m'a arrêté pour me dire "mademoiselle, le monsieur en fauteuil là, il vous appelle!" et qui m'a regardé fuir un homme handicapé comme si j'étais le dernier des monstres.
Il y a aussi le mec qui va se frotter à toi, pensant que dans le bus bondé tu ne te rendras compte de rien. Ou le mec un peu old school qui va siffler la longueur de ta robe. Ou celui qui va vouloir jouer au chevalier servant, surtout si tu lui as rien demandé.
Puis il y a vous. Les garçons qui vous croyez bien sous tout rapport, et qui, partant de ce principe,  s'accordent le droit de nous aborder, "bon enfant". Vous qui vous croyez drôles et originaux, avec vos commentaires sur nos sourires, nos fringues ou la longueur de nos jambes. Vous à qui on ne peut rien dire, alors même qu'on en pense pas moins, parce vous êtes polis. Vous qui pensez que le "on s'est pas déjà vu quelque part?" ou le "oh mademoiselle, vous avez fait tomber quelque chose de votre sac... non, je rigole, c'était juste pour voir vos yeux" sont d'une finesse et d'une efficacité à toute épreuve. Vous êtes lourds. Vous êtes chiants. Vous manquez cruellement d'originalité (n'oubliez pas qu'on se fait aborder par vous plusieurs fois par semaine. On en a vu passer des techniques de DomJuan des rues). Et surtout, vous êtes irrespectueux. Du moment que vous vous permettez d'arrêter une fille dans la rue pour lui faire une remarque sur son physique, vous lui manquez de respect. Ca ne part jamais d'un bon sentiment. Jamais. Vous êtes en chasse. On est vos proies. Sauf que ne l'oubliez pas, on est un peu plus que des animaux. Vous n'avez aucun droit, ni aucune légitimité à arrêter une fille que vous ne connaissez pas dans la rue pour la complimenter. Quelles que soient vos justifications, elles n'ont aucune valeur. Pourquoi? Parce qu'on ne vous a rien demandé. Et que cette jupe un peu courte, elle n'est pas là pour vous. Ce décolleté un peu plongeant? Il n'est pas pour vous non plus. Ca n'est pas une invitation. Jamais. En aucun cas. Vous ne pouvez pas vous empêcher de complimenter ou d'essayer de séduire les filles qui vous tapent dans l'oeil? Faites comme nous. Allez le faire dans des endroit qui sont fait pour ça. Aborder une fille dans un bar le soir est sans commune mesure avec le fait d'aborder une fille qui sort du carrefour market les bras chargés de courses. Et ce même si elle est habillée, coiffée et maquillée de la même manière.
Soyez honnêtes. Vous êtes vous fait juste une fois, une seule fois, fait arrêter dans la rue par une fille qui vous a complimenté sur votre physique avant d'aller vous proposer un café?
Pour conclure, je n'ai qu'une chose à dire (merci @nosmi)

Harcèlement de rue.

science fiction


Edit: On m'a fait remarquer qu'il fallait que je nuance mes propos, surtout ceux concernant mon dernier paragraphe. Alors je vais préciser deux ou trois petites choses. Déjà, je ne parle pas pour tous les garçons. Même, je vais vous le confesser, les garçons, je les aime, et beaucoup en plus. C'est étonnant, non? Et je sais aussi que les garçons qui font des compliments désintéressés à une fille dans la rue, je sais que ça existe aussi. Il m'est même arrivé de donner l'heure à un homme et que ça s'arrête là. Disons juste que si je suis autant virulente, c'est que chat échaudé craint l'eau froide. Et que effectivement, je suis devenue extrêmement méfiante. Ma première réaction quand un homme m'aborde dans la rue est forcément défensive. Mes expériences m'ont refroidies, les unes se reproduisant quotidiennement, les autres m'ayant carrément fait flippé. Donc oui, quand un garçon m'aborde dans la rue, même s'il a une bonne raison à ça, ma première réaction est la crainte. La seconde, quand il me fait un compliment, est de me dire "je t'ai rien demandé". Je sais, je suis sur la défensive. Mauvais réflexes, probablement, puisque des innocents payent pour les autres. Mais réflexes qui, si aux yeux de certains ne sont pas pardonnables, s'expliquent par la fréquence et la répétition de situations très inconfortables. 
Donc messieurs, je sais que l'immense majorité d'entre vous êtes des types bien et respectueux. Je m'excuse si certains de mes propos ont pu en déranger quelques uns. Mais malheureusement, ça ne changera pas le fait que parfois, lorsque je sors acheter mon pain, j'ai plus l'impression d'être un sanglier le jour de l'ouverture de la chasse qu'un être humain qui va chercher une baguette. Et que j'attends avec impatience le jour ou il n'y aura plus que des garçons comme vous, respectueux, polis, et ne nous considérant pas comme de la viande, capables d'entrer en communication avec une fille avec innocence, finesse et intelligence. 

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