Max | Foule

Publié le 04 août 2012 par Aragon

Foire, fête, théâtre de rue, festival... T'es là, dans la foule festivalière, t'es assis sur le bitume, t'es entouré d'une marée sentimentale, l'a raison Alain, foule sacrément sentimentale, alors tu sors ton engin de dessous ton imper en ce jour de bruine qui ne refreine pas tes ardeurs, non je déconne, tu sors ton engin, ton iPhone par exemple, tu cliques, tu bzipes. T'es mateur ? T'es voyeur ? Tu le seras bientôt, de retour dans ton labo perso. Mains fébriles sur le clavier, yeux gavés de pixels, l'écran fume et mugit dans ta nuit. Tu dépiautes cette foule sentimentale. Elle est bizarre au début, elle t'inquiète, tu ne sais pas par quel bout la prendre. Par quel bout la zoomer. Tu te surprends très vite pourtant à l'aimer. Elle te fait du bien. Non t'es pas mateur, t'es pas voyeur, t'es preneur, t'es un formidable, un incroyable preneur : Preneur de sentiments, preneurs de gestes tendres, preneur de tous les gestes, preneur de regards farouches, preneur de rires, preneur de rites, preneur de sons, preneur de couleurs, preneur d'odeurs, preneur de corps de tous les corps, tous sexes confondus, pyramide des âges plus grande que Gizeh, tu prends tout... Une foule c'est plus vaste que mille Sahara, plus mystérieuse que Gobi Cha-Mô. L'Amazonie c'est roupie de sansonnet à côté de la défunte fête à Neu-Neu !!!

Je t'ai vu t'écrouler près de la coquille en stuc, tu relis le programme mais quelles pages pourraient contenir les mots indicibles, ceux que le coeur prononce, ceux que la jouissance vivante écrit ? Fête païenne, fête volcanique, fêtes populaires, fêtes dans les rues, hors murs hors toits, fêtes bondissantes et tous ces clowns ces croque-morts qui dansent ensemble, en riant, reconstruisant tous les ponts d'Avignon, sous le soleil ou sous la pluie...

Dans les foules y'a des vies qui se déroulent comme crosse de fougère. Y'a des bras entourant des enfants, y'a des drapés de bébé dans la foule, femme du Sud-Ouest, femme de Calcutta কলকাতা, femme de Bobo-Dioulasso, femme de mille ailleurs, soeurs unies dans des drapés sans fin, le comble de l'amour souvent, l'amour comblé, comblée d'amour, le ravissement, spectacle émotion vécu à l'unisson conscient ou non.

Dans les foules y'a des gestes étranges, des gestes qui n'appartiennent qu'aux femmes, des gestes offerts publiquement aux hommes qui n'en sauront jamais rien, je tourne dans la foule, je marche, j'enjambe, je trébuche, je m'écroule, je me relève, je repars, je quête, je cherche, je ne cherche pourtant rien, elle est mouvante et chaude la foule, visages, visages, visages...  Rasta foudroyé ton corps roule sur un fauteuil désarticulé mais ton coeur, ta tête. L'âme vivante n'est jamais paralysée...

 

 

Et ces visages, tous ces visages non sus, qui s'échappent normalement en mille corolles gaies, insouciantes, visages nuages, visages aperçus l'instant d'un instant, d'un rien, l'instant d'une fête, l'instant d'un rassemblement, l'instant d'une foule en unité parfaite, indissociable mais déjà évanouie. Je pense aux vers d'Antoine Pol chantés par Brassens. Ces "Passantes" d'un instant, d'un après-midi, je suis ennivré, je voudrais saisir, je voudrais dire, mais sans tenir et sans prononcer de mots, laisser bien sûr l'autre libre, mais être contre lui, être sûr de pouvoir quand même l'aimer avant de mourir un jour. Car il faudra bien partir après la fête. Quitter la foule sans peur, avec un peu de regret quand même. Oui, pouvoir aimer sans prendre et sans dire. La foule me permet cette ultime folie. La foule permet, autorise, encourage, tous les envols...

© photos max capdeville / toutes ces photos ont été prises au festival d'Hastingues 2012