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Le jardin de tous les possibles : Gilles Clément au quai Branly

Publié le 07 août 2012 par Memoiredeurope @echternach

Derrière le miroir. Pour découvrir le jardin que Gilles Clément a conçu pour entourer ou plutôt dialoguer avec le musée du Quai Branly, si en tout cas on vient des bords de Seine, il faut franchir un miroir. Tout un symbole. Il est vrai que ce créateur de jardins et de paysages n’est pas un adepte des images. Il ne représente jamais. Il n’est pas non plus un adepte du secret, même s’il connaît parfaitement les mythes, les symboles et les paraboles des jardins. Il est tout simplement un adepte des végétaux. C’est là où nous nous sommes rencontrés, par la botanique. Il y a quelques temps déjà. Bientôt vingt ans.

Le jardin de tous les possibles : Gilles Clément au quai Branly
Au milieu de nombreux experts qui avaient parlé des méthodes de classement et de restauration, des animations et des critères esthétiques, il a simplement évoqué la classification biologique. Il parlait ainsi du Parc André Citroën qui venait d’ouvrir. Il n’a pas évoqué ce qu’en disaient les magazines : une suite de jardins fondés sur des couleurs métalliques. Il n’a pas évoqué le travail des urbanistes qui ont récupéré le lieu de mémoire d’une usine historique. Il a simplement indiqué ce que signifiait la dynamique des annuelles et des bisannuelles, ces thérophytes qui nous sont transmises par des graines et celle des géophytes, ces végétaux dont tous les organes sont cachés pendant la saison difficile et puis les hémicryptophytes dont on devine la vie à la surface du sol…et ainsi de suite jusqu’aux arbres dont les bourgeons s’élèvent bien au-dessus de la couche de neige la plus épaisse. Un hommage à Christen Christiansen Raunkiær, ce danois mort en 1938 et dont j’ai ressuscité le nom plus de trente années successives à mes étudiants. Comment ne pas aimer cet homme-là ? Nous nous sommes revus quelques fois.Le jardin de tous les possibles : Gilles Clément au quai Branly
Le jardin du Quai Branly a eu le temps de s’installer, quelque six années maintenant ! Je m’y suis rendu en mai. Il vivait de vert et de blanc avec ici et là une survivance de quelques taches mauves de magnolias en fin de floraison. Il ondulait tout en en contraste avec la rigueur des bâtiments et racontait, comme tous les jours, la rondeur de la carapace de la tortue qui se retrouve dans les mythes de nombreux continents. Les graminées étaient en fleur. Les végétaux respiraient le bonheur, comme si personne ne les avait contraints d’être là.
Lorsque l’on pose à Gilles la question de la nature écologique de ce jardin enclos par la ville qui l’entoure, mais respirant cependant le courant de la Seine, il évoque une savane arborée. Une évidence en raison de la prédominance de la strate herbacée et des Poacées, ces végétaux à partir desquels nous avons sélectionné des céréales nourricières et dont les fleurs discrètes se balancent doucement avec le peu de vent de la fin du printemps. Une évidence aussi en raison des chênes qui ne sont encore pourtant qu’à l’état d’arbustes mais qu’aucun feu de savane ne viendra ici détruire. Ils figurent mutatis mutandis les baobabs que l’on trouverait en Afrique pour le même type d’écorégion. Biome des climats semi-aride, dit-on ! Gilles, en zone boréale tempérée, dans un espace urbain par nature desséché, n’a pas voulu que l’on retrouve ici très artificiellement la forêt pluviale, les épiphytes et les hélophytes (le mur végétal de PatrickBlanc y pourvoit) ou bien les déserts où les plantes grasses et les xérophytes semblent résister à tout. Il y a suffisamment de serres tropicales à Paris. Il a souhaité que l’on n’ait pas non plus l’obligation de maintenir l’artifice d’un jardin d’ornement avec des pesticides ou avec un arrosage inutile. L’eau est dans le sol, récupérée des circulations du bâtiment. Comment ne pas aimer ce jardin-là ? J’y reviendrai de nouveau pour le plaisir des Euphorbes jaunes et laiteuses et celui des grandes prêles venues d’avant les Phanérogames. Le jardin de tous les possibles : Gilles Clément au quai Branly
Durant tout l’été le jardin s’inscrit pour les Parisiens et les touristes sous le signe de l’éloge de la lenteur.  Les espaces sonores d’Erik Samakh et Amaury Tatibouët vous y guideront, comme seule illusion consentie en hommage aux jardins de « surprises » du baroque. Vous y trouverez le moyen de profiter de siestes électroniques et d’un jardin des contes, mais il vous faudra attendre l’été prochain pour y écouter des lecteurs. A l’automne, le salon de lecture rouvrira à l’abri. On y annonce les mille et une frontières de l’Iran.Le jardin de tous les possibles : Gilles Clément au quai Branly

Vous êtes cependant invité à venir lire au jardin, par beau temps, en y apportant les pages que vous aimez. Rien ne vous empêchera alors de devenir des lecteurs pour d’autres.

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