« Le mythe de Mélusine joue de la curiosité et de la peur du sexe féminin : le comte de Lusignan, transgressant le pacte conclu, épie sa femme un fatal samedi pour découvrir qu’elle a une énorme queue de poisson, qui lui inspire peur, dégoût, colère et rejet. Cette ambivalence de l’image féminine, qui engendre fascination émerveillée et répulsion horrifiée, comporte plusieurs aspects. Mélusine est à la fois une certaine forme de la nature: elle est fée de la nature, elle en incarne la fécondité, elle est mère nourricière, bâtisseuse et défricheuse. Cette position a pu être interprétée au départ comme représentation matriarcale, puisqu’elle est celle qui fonde la lignée, qui apporte la gloire, la richesse, la force, une interprétation que l’anthropologie contemporaine nie dans sa réalité, puisqu’elle affirme qu’il n’existe pas de société matriarcale. Mais le problème n’est pas là : nous nous intéressons à l’imaginaire et à ses représentations ; nous voyons qu’il y a avec Mélusine l’image d’une femme originelle, qu’elle incarne comme femme et comme mère l’origine. »
La femme apparaît comme celle qui va éduquer et maîtriser les passions absolument violentes de l’homme. Elle est bâtisseuse et défricheuse, mais surtout civilisatrice. Cette fonction est, en filigrane, une fonction menacée. La violence de l’homme va reprendre le dessus. Si Mélusine apporte ses pleurs de deuil et revient la nuit pour éduquer ses enfants, c’est qu’elle a été victime de cette violence.
Le destin mélusinien présente, en effet, une allégorie de la femme, incomprise, maltraitée pour la part de mystère qu’elle possède et son pouvoir incommensurable, de mettre au monde l’homme, comme Mélusine Raymondin, et par dessus tout, pour sa capacité à donner la vie.
MELUSINE par Philippe Jamet-Fournier (1987)
À cette première impression stéréotypée d’une Mélusine matriarcale… se présente et s’impose encore aujourd’hui l’image d’une société patriarcale… en particulier dans l’Eglise « romaine », l’homme est seigneur et maître et où l’espace réservé à la femme est une place spécifique.
Sources : en particulier - Alain Montandon ,Université Blaise-Pascal, Centre de recherches sur les littératures modernes et contemporaines