Le fait de se nourrir est un rite profondément ancré dans nos habitudes sociales qu’il n’est pas aisé d’aborder de manière objective. Éliminer de son alimentation une catégorie d’aliments, pour des raisons éthiques, et non pour une question de préférence personnelle, n’est pas un acte anodin mais un questionnement profond, un cheminement individuel qu’il faut savoir faire accepter à son entourage. Depuis quelques mois, je suis devenue végétarienne, abandonnant ainsi la consommation de viande, mais également de poisson – dont j’ai découvert avec surprise que certains ne les considèrent pas comme de véritables animaux.
L’impulsion dans mon cas est venue de l’extérieur, de rencontres puis de lectures. Élevée dans une famille “omnie”, je n’aurais probablement pas eu seule l’électrochoc nécessaire à cette prise de conscience. La liste des motivations qui amène à arrêter de consommer toute chair animale est longue, variée, et surtout très différente selon chaque personne. Je ne ferai pas ici de leçon magistrale sur le sujet car d’autres s’en sont parfaitement chargés avant moi (par exemple dans le livre “Eating Animals” de Jonathan Safran Foer, sur le site de l’Association végétarienne de France ou sur viande.info, tous très bien documentés). Pour faire court, mon végétarisme est un mélange de conscience écolo et de rejet de la souffrance animale.
Alors que j’aurais ri aux éclats à cette perspective il y a encore deux ans, le fait que je sois aujourd’hui entièrement végétarienne m’apparaît désormais comme une évidence. C’est un peu comme si j’avais attendu sans le savoir cette “révélation” pour me sentir à l’aise avec mon alimentation. Je suis enfin débarrassée, du moins tant que possible, des réticences inexpliquées que j’éprouvais auparavant face à certains repas, sans pouvoir les verbaliser.
Pour mes proches en revanche, ce nouveau mode vie n’a pas toujours été accepté facilement. On s’est vite inquiété de la manière dont j’allai “compenser” la viande. En réalité, tant que, comme moi, on consomme encore des œufs et des produits laitiers (ce qu’on appelle un régime ovo-lacto végétarien), il n’est nul besoin de se supplémenter, car quand on mange de manière réfléchie, aucune carence n’est à déplorer. La barrière psychologique la plus difficile a sans doute été au sein de ma famille. La nourriture, quand elle est partagée, a un tel potentiel affectif qu’il est difficile de faire un trait sur le traditionnel poulet du dimanche ou les steaks au barbecue dégustés au jardin.
Pourtant, réussir à m’être affranchie du cadre de pensée inculqué pendant l’enfance est une fierté, un petit bout de liberté supplémentaire et, après tout, la preuve que mon éducation a réussi.
Pour aller plus loin, quelques liens :
- le célèbre discours de Gary Yourofsky, activiste végétalien (un peu plus “extrême” donc mais particulièrement bien narré, et même drôle parfois)
- Graham Hill explique pourquoi il est un “weekday veg” (végétarien du lundi au vendredi) (en anglais)
- 10 idées reçues sur les végétariens
- Des idées de recettes sur Cuisine pop
Et pour finir, je ne résiste pas à l’envie de caler l’ami Morrissey, grand défenseur de la cause :
Heifer whines could be human cries
Closer comes the screaming knife
This beautiful creature must die