Pourtant, aller batifoler au milieu de mâchoires dotées d’une pression de 600 kilogrammes par centimètres carrés n’était sans doute pas l’idée du siècle. Pas davantage que jouer au ping-pong sous un essaim d’abeilles, ou pratiquer le patinage artistique devant un ours blanc. À l’inverse, il est rare que les squales s’aventurent sur le territoire des êtres humains. Il est ainsi à noter que l’on ne recense aucune attaque de leur part dans le bocage normand, ni même dans les faubourgs de Saint Denis de la Réunion.
De coutume plutôt considérés comme des protecteurs de la flore et de la faune marine, la communauté des surfeurs semble donc céder à l’idéologie dominante, voulant soumettre la nature au bon vouloir de leurs enfantillages. “Mettre une réserve au beau milieu d’une zone balnéaire. C’est unique au monde”, s’est ainsi insurgé Amaury Lavernhe, champion du monde de glissades sur planche en polystyrène. Oubliant par la même que mettre une zone balnéaire au milieu d’un potentiel garde-manger de mastodontes carnivores, ce n’est pas forcément plus fréquent.
Alors des décisions ont été prises par les élus locaux, contraints de choisir entre la biodiversité et la puérilité. Eu égard au défaut de participation des requins aux derniers scrutins électoraux, c’est tout naturellement que les mesures retenues ont été défavorables à ces derniers. Deux bateaux de pêche ont été affrétés pour en sacrifier une vingtaine sur l’autel du tourisme local. Calculant le manque à gagner dû à l’impact de ces attaques sur la fréquentation de l’île, les prédateurs de la finance ont eut tôt fait de mordre à l’appât du gain.
Dans la même logique, il est à prévoir l’élimination définitive du loup pour s’accorder les suffrages des amateurs de fromages de chèvre et de côtes d’agneau ; celle des vipères et autres scorpions pour ne pas froisser les férus de randonnées ; ainsi que celles des chatons d’Internet prétendus mignons mais ralentissant la productivité de l’employé de bureau.
S’il persiste à qualifier cyniquement le requin de seigneur de la mer, l’être humain n’en demeure pas moins le saigneur de la Terre.
Guillaume Meurice
13/08/2012