Magazine Journal intime

Et Alors Le Torchon, Il Brûle.

Publié le 24 mars 2008 par Mélina Loupia
Tous les vieux réacs vous le diront, Internet, l'informatique et les ordinateurs, c'est mauvais pour dans ton corps et ta tête. N'empêche c'est bon pour éviter la DDASS. Sans Marilion, dont je viens de soulever le capot poussiéreux, ce qui a inévitablement comme effet magique de l'allumer et de me connecter spontanément au reste du monde, jamais je n'aurais su qu'on était déjà mardi. Une semaine qui vient de démarrer alors que je dois être la seule à ignorer que la précédente vient de décéder subitement la nuit dernière. Et pendant que j'allume le gaz sous le wok pour faire cuire le ragout, je convoque un conseil familial extraordinaire. "Je suis ravie d'être la dernière au courant dans cette famille. -Bah écoute, si t'étais pas à la cave et au grenier en même temps, tu saurais. -Et vous, si vous étiez un peu moins scotchés à vos écrans, vous m'auriez dit. -Maman... -Quoi maman? Je suis tellement stressée que j'en oublierais presque vos prénoms, demain, faites-moi penser à vous fabriquer des badges thermocollés sur vos fringues. -Maman... -Quoi maman? Regarde le bordel que j'ai foutu jeudi matin, quand je suis descendue un peu trop vite et un peu trop peu réveillée, en claquant la porte, laissant votre pauvre père se réveiller tout seul et fermer à clé derrière lui sans vérifier que j'avais pas pris mes clés qui dormaient encore sur le tonneau de l'entrée, m'enfermant dehors pour la journée alors que je devais absolument rentrer à dix heures pétantes pour terminer l'enregistrement du journal. -Je note tout de même qu'en principe, même par nos campagnes reculées au dessus desquelles les corbeaux volent à l'envers pour pas voir la misère, on ferme les portes à clé et on prend ses clés dans ses poches. -Et bien-sûr, dans ces moments, votre père parfait en profite pour se débiner, vas-y, mais vas-y dans le cellier fumer ta clope sans moi pendant que je passe une fois de plus pour la mère fouettard. -C'est ça, c'est ça, mais je ferme pas la porte, t'occupe pas de moi, j'éteins le feu et je laisse la porte du cellier ouverte pour pas rater une miette. -Maman... -Quoi maman? Et qui c'est qui s'est démerdée comme elle a pu pour se faire accompagner par son chauffeur exceptionnel puisque ses papiers étaient dans son sac qui était lui sur le canapé jusqu'au taf de papa pour récupérer un double de la clé de la porte d'entrée, qui a pu remontrer à la maison, terminer l'enregistrement du son pendant que vous débouliez de l'école, prêts à me raconter vos trois journées en simultané sans respecter le port du casque que j'avais vissé sur mes oreilles, signifiant à quiconque pénétrait le salon qu'aucun bruit autre que celui de ma voix cristalline ne devait intervenir? -Maman... -Quoi maman? Et qui a pu tout de même assumer ses deux nouvelles fonctions plus celle qu'elle remplit depuis presque quinze ans dans la même journée et s'écrouler sur le canapé avec le sourire vendredi soir? -Je note tout de même que j'ai épargné à votre pauvre mère le nettoyage de la housse du clic-clac sur laquelle Agrippine s'est pour la énième fois soulagée, avant d'aller caguer dans le cellier, juste à une patte de la litière. -Maman... -Quoi maman? Encore un reproche? Et qui a déroulé cinquante mètres de papier absorbant et aseptisé le cellier afin d'éviter à ceux qui s'y aventurent, soit pour fumer, soit parce qu'ils s'y étaient perdus, de se vautrer dans la pisse ou la merde de chat? -Alors là maman, tu a un mauvais foie. -Non, votre mère est de mauvaise foi. -En attendant, c'est toi qui a laissé entrer le fiancé de Carioca parce que tu le trouvais mignon et qu'il a foutu le bordel dans le cellier. -Alors là, elle est raide celle-là! Il est entré en même temps que tous les autres, j'ai pas compté. Mais je reconnais que j'aurais dû éviter de le faire à l'heure de la pitance de ces putains de chats de merde. -Et c'est moi qui ai empêché que ce chat se fasse tuer par Ferdinand, et que même regarde, j'ai deux énormes griffures sur la main. -Mon enfant, tu es un héros, on va laisser les plaies s'infecter pour que tu aies de belles cicatrices bien ourlées et que toutes les filles soient folles de toi. -Maman... -Quoi maman? C'est pas parce que tu considères le sexe opposé au tien comme maléfique que tes frères n'ont pas le droit de s'en émouvoir. -Je note qu'il a pas trop tort . -Oué, regarde les chattes en ce moment, elles sont toutes en chaleur, elles se battent entre elles et les mâles du quartier ils sont tout le temps sur la terrasse à les attendre. -Sauf quand votre pauvre mère ouvre le bar à putes et qu'un des prétendants à moustaches se fait sauter sur le poil par la mère maquerelle. -En attendant, j'en ai plein les bottes, les mâles, ils ont tellement envie de procréer qu'ils miaulent plus, ils aboient. Et Maurice, tu penses, depuis que sa virilité a disparu dans les pinces castratrices du véto, il passe sont temps à dresser une seule oreille le lendemain de la veille du jour où on l'appelle pour manger. -Je note qu'il doit avoir bouffé un truc pas frais et que votre pauvre mère n'a pas eu le temps de remarquer qu'il dégobille systématiquement la nuit, sous les lits depuis quinze jours, voire trois semaines et peut-être même un bon mois. -Maman... -Quoi maman? Qui a nettoyé à sept heures du matin l'autre jour la raclette prédigérée gerbée par les soins du pauvre Maurice? Qui? Alors hein, museau. Cet estrasse de moitié de mâle a dû se purger avec de l'herbe pleine de pesticides, on va pas y passer le réveillon non? Si? Non? Bon! Dossier suivant! -Je note que le yaourt que je viens de me servir est à moitié vide. Que là encore, votre pauvre mère surmenée va trouver un argument imparable justifiant qu'un pot de yaourt réalisé par ses soins de cent vint-cinq grammes n'en contient à la sortie qu'environs soixante, qui plus est avec la ligne d'horizon en biais. -Maman... -Quoi maman? Alors là, j'y suis pour rien. Quand j'ai déposé les neuf pots de yaourt vides dans la yaourtière, le neuvième rentrait pas, alors je l'ai posé en équilibre. En principe, il tient. Sauf que là, ce putain de blender a pas voulu verser la préparation bien droit, que donc j'en ai foutu partout dans la yaourtière et que par conséquent, le peu qu'il restait était pour le dernier pot. Et à ce moment précis, j'ai dû détourner mon regard une seconde et le bec verseur a tapé le rebord du pot qui a basculé de quelques degrés et lorsque j'y ai vidé la préparation, j'ai pas voulu briser cet équilibre bancal, mais stable. Et le premier qui dit que ce que je viens de dire tient pas debout, il mange le vomi que Maurice vient de déposer sur le tapis et ma chaussette ok? -MAMAAAAAAAAAAAAAAAAAN! -PUTAIN MAIS QUOI MAMAN? -Le torchon brûle! -Ah, ça, c'est le moins qu'on puisse dire que le torchon brûle dans cette baraque, au cas où vous l'auriez pas remarqué, je suis légèrement surbookée depuis quelques temps. Enfin, je vois que ça perturbe pas grand monde, surtout celui qui ne va gueuler que si ce que la mère ou l'épouse aimante, souriante et dévouée est un tantinet distraite. -Je note que votre pauvre mère est tellement au taquet qu'elle sent même pas l'odeur de cramé. -Oh que si que ça pue, je vous le dis moi, si vous vous sortez pas les doigts, cette baraque part en fumée. -Je note qu'heureusement que je suis là pour éviter l'incendie. -Ah oué? Par écran interposé? C'est dans World Of Warcraft que les elfes font les pompiers? -En parlant de pompiers, viens, on va fumer dans le cellier. Les enfants, vous filez au bain pendant que je calme votre pauvre mère. -Mais... -Tais-toi. Par pitié, tais-toi." En passant par la cuisine pour rejoindre le cellier, je relève effectivement une vague odeur de brûlé, un peu comme un tissu approché trop près d'un foyer de cheminée, comme lorsqu'enfant, j'aimais coller mes fesses contre celui de chez mes grands-parents, rendant tous les bas de mes pulls lustrés par la chaleur du feu. Alors que je m'installe sur le tabouret de bar contre l'évier du cellier, me laissant allumer ma clope par Copilote, celui-ci désigne le bac d'où s'échappaient ce fumet et un peu de fumée. Mais l'odeur ressemblait à présent à celle d'un pétard mouillé. "C'est quoi ce truc? Putain tu sais que je déteste quand tu fais tremper des trucs dégueulasses dans l'évier. -Ce truc dégueulasse, c'est le torchon que t'as laissé tout à l'heure trop près du gaz, pendant que tu nous hurlais tous dessus les uns après les autres. T'as même pas relevé qu'il prenait feu dans ton dos, que je te suis passé devant, ai éteint le feu, foutu le torchon sous l'eau au cellier et suis revenu m'asseoir pour continuer de m'en prendre plein la gueule, par solidarité masculine et égard pour nos enfants. Franchement, va falloir que tu te détendes."

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mélina Loupia 93 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Ses derniers articles