’aime le thé.
Pas le thé à la menthe sucré de trois cuillères de sucre et sur-infusé de sachets lipton yéménite ou syrien. Ces thés-là ont besoin d’un contexte pour être apprécié. Le contexte du voyage et la position de l’étrangère. Non chez moi, j’aime le thé léger et fleuri, le thé vert plus que tout. Je déteste quand il est trop infusé, quand il n’est pas assez chaud mais je déteste attendre qu’il refroidisse. Pour ça, je déteste les bouilloires qui … bouillent l’eau. On est obligés d’attendre trop longtemps. Du coup on mange des gâteaux, et on a mal au ventre à la fin.
Je trouve que les gens qui écrivent leur avis après achat sont des gens qui n’ont que ça à foutre, j’imagine, quand je consulte un avis à propos d’une robe sur internet, que celui-ci a été écrit par une mère au foyer qui a enfin reçu sa commande et qui court sur le site pour expliquer comment et pourquoi elle considère que cette robe est trop petite mais bien pour l’été quand même. Et je trouve aussi que malgré ça, c’est cool qu’il y aie des gens comme ça, sinon j’aurai déjà acheté des millions de trucs inutiles sur internet. Donc, merci gens inutiles.
Le thé Sweet Shangaï de Mariage Frères et le thé des sables du Palais des thés.
Et je n’aime pas attendre, et je suis toujours en retard.
J’aime la fraîcheur, la douceur et la légèreté. Dans toutes les dimensions. Les pêches plates, elles sont délicieuses, je les aime car elles ont un goût de vieille France. La fleur d’oranger. L’été je ne porte que la fleur d’oranger de Fragonard. Rien d’autre. Ne jamais mélanger chocolat et fruits. Les fraises et les cerises ne mangent que jusqu’à la crise de foie. Laver les fraises est signe de citadinité.
L’accent marseillais tend vers l’accent juif, je trouve ça très viril. Et bizarrement, ça dénue tout propos de crédibilité. J’avais lu peu de livres pour le bac, mais comme on m’avait dit que l’on pourrait être interrogé sur notre intérêt à avoir lu autre chose que les œuvres étudiées, j’avais fini les Fleurs du Mal de Baudelaire. J’avais été enchantée par Lesbos.
Une fois, nous devions faire une dissertation pour expliquer les différents styles utilisés dans les fables de la Fontaine. J’avais écrit son explication en utilisant ces dits-procédés : rimes croisées, et autres. J’étais très fière de moi. Le prof m’a donné la pire note et avait fait en sorte de mettre en scène le ridicule de mon travail devant tout le monde. C’est ce jour-là que j’ai réalisé la subjectivité de l’enseignement.
Si j’avais les moyens j’irais acheter mes vêtements ailleurs. Là où l’originalité est de mise. En fait, si j’avais les moyens j’aurais la vie d’Aliénor d’Aquitaine, pour faire court.
Je ne sais pas pourquoi, mais quand il y a un plan fumeux avec un homme, c’est toujours moi qui me retrouve avec lui. Les mecs instables, c’est mon truc. Les mecs bizarres, aussi. Les mecs qui ne veulent pas fonder de trucs. Qui connaissent les belles paroles. M’ont.
Moi est le sujet sur lequel personne n’est tarissable.
Et plus tard, je serai anthropologue. J’aime le vieux Nice, je n’aime pas la Jordanie, j’aime Damas, j’aime Sanaa, je n’aime pas l’humour des yéménites, j’aime le visage des soqotri, j’aime constater que je suis athée, a-magique a-trucs ridiculo-mystiques. Mais j’ai peur des requins. C’est une croyance. Une peur d’enfant. Rien que le mot me fait peur. D’ailleurs, c’est sûrement parce que j’y suis tellement peu confrontée que la peur a du se muter dans le mot. C’est déjà suffisant. Je n’aime pas Marseille. Je n’aime que son air détendu. J’aime les orangers en fleur, c’est merveilleux et joli. J’aime Cordoue. J’aime visiter des fois encore et encore la maison de Pierre Loti et m’imaginer être sa femme à son bras lorsque je déambule dans les lignes de son passé.
Je n’aime pas les chats. Je n’aime pas les gens qui humanisent les animaux. C’est tellement con.
J’aime m’allonger dans l’herbe et regarder le ciel. Me promener et ne penser à rien. Une fois j’ai essayé de lire en marchant pour faire comme l’une des personnes que je vois passer derrière chez moi, car je trouvais ça très beau, mais c’est assez compliqué.
J’ai aimé ces moments passés à voyager sur le bateau avec mon père. Les remous, le temps de merde, mon chien qui a peur, moi qui conduis, mon père qui cherche l’orientation, l’arrivée sous le pont de l’île d’Oléron, dormir dans le bateau. La plus belle sensation de sommeil, entendre le ding ding des mâts qui tapent à cause du mouvement des vagues.
J’aime dire que peu importe le flacon tant qu’il y a l’ivresse, que c’est dur d’être quelqu’un qui n'est personne autour de personnes qui sont quelqu’un. Mais à trop vouloir être quelqu'un on finit par devenir personne.