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Torsion

Publié le 20 août 2012 par Ctrltab

Torsion

J’étais donc dans le bon train. Enfin. Il pleuvait, je n’avais pas à regarder le paysage, je l’avais déjà enregistré. Je jetais régulièrement un œil pour ne pas louper la station. L. annoncé, j’y descendais. Direction la piscine !

Sur le chemin, je humais la bonne odeur d’un café bobo. Ca sentait le chai latté, les meubles de brocante, la douceur et le chocolat. Peut-être aurais-je le temps de m’y blottir après ma baignade ? Un groupe de jeunes Norvégiens en sortit. Ils étaient grands, beaux, bruyants. Un des mâles blonds me zieuta. Je continuais mon chemin et souris. Finalement, ma journée n’était pas perdue.

Etre matée par un homme est l’un des principaux bonheurs féminins, non? Je me souviens, petite, ma première fois. Nous allons à la grande ville avec ma mère. La raison n’est en rien glamour, c’est pour tenter de redresser ce dos que j’ai de tordu. Le docteur spécialiste vérifie que je ne suis pas en train de chopper la bosse de ma grand-mère. J’ai emprunté une chemise d’homme. A mon père j’imagine. Je n’ai pas encore lu Marguerite Duras et son amant. Je ne lui emprunte pas l’idée de son chapeau Paname et de l’usage érotisé d’un accessoire masculin par une toute jeune fille. Non, mais j’ai rêvé plusieurs fois de cela : je me balade aux Nouvelles Galeries, la chemise masculine légèrement entrouverte, et les hommes me regardent. Je récolte les œillades.

Cette parade, je ne sais plus s’il a finalement eu lieu, qu’importe, elle est mon entrée dans la féminité. Mon désir de jouir de l’attention du sexe opposé et mon plaisir d’accueillir son hommage.

Toute à cette pensée, je me tordis légèrement la cheville devant le passage clouté. Je continuais ma marche, honteuse, soutenue néanmoins par la récente fugitive œillade. J’optais pour le chemin le plus court. J’avais déjà photographié ce que je voulais sur le trajet. Le mauvais temps ne s’y prêtait de toute façon guère. Je croisais un autre groupe de jeunes, agités. Je m’amusais à me faire peur en me disant : attention, ceux-là, ce sont peut-être d’affreux bandits. Je craignais déjà qu’il n’y en eût guère de bandits, ici.


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