Le siècle dernier … Le regard de Bernanos sur la crise… ( 2 )

Publié le 22 août 2012 par Perceval

"Il y a dix ans, la masse catholique penchait dangereusement vers le totalitarisme de droite, avec une élite jeune et dynamique déjà gagnée au fascisme. Aujourd'hui, la même masse penche vers le totalitarisme de gauche, avec une élite jeune et dynamique déjà gagnée au marxisme. Inutile de dire qu'entre temps le prestige de la force était passé de droite à gauche" Bernanos : (F, Français si vous saviez, Paris, Gallimard, 1961).


"Le problème qui se pose aujourd'hui, parce que de sa solution dépend le sort de l'humanité, n'est pas un problème de régime politique ou économique (démocratie ou dictature, capitalisme ou communisme), c'est un problème de civilisation" (L, Français si vous saviez, Paris, Gallimard, 1961).

"Les trusts ont concentré peu à peu la richesse et la puissance autrefois réparties entre un très grand nombre d'entreprises pour que l'État moderne, le moment venu, distendant sa gueule énorme, puisse tout engloutir d'un seul coup, devenant ainsi le Trust des Trust, le Trust-Roi, le Trust-Dieu" (L,)

Dès lors, à partir de cette analyse bernanosienne, on voit comment capitalisme, démocratie et socialisme se conjuguent pour précipiter la croissance de l'État : le capitalisme en concentrant la puissance économique dans un petit nombre de mains, la démocratie en poussant l'État à contrôler cette puissance, le socialisme en réalisant ce contrôle. De ce fait, ce sont bien toutes les sociétés modernes qui sont engagées sur la voie de ce mouvement inexorable vers le développement d'un étatisme totalitaire.

"Quand les machines distribuent à tous la lumière et la chaleur, par exemple, qui contrôle les machines est le maître du froid et du chaud, du jour ou de la nuit. Vous haussez les épaules en disant que je veux en revenir à la chandelle, je désire seulement vous démontrer que les machines sont entre les mains du collectif une arme effrayante, d'une puissance incalculable. La question n'est pas d'en revenir à la chandelle, mais de défendre l'individu contre un pouvoir mille fois plus efficace et plus écrasant qu'aucun de ceux dont disposèrent jadis les tyrans les plus fameux" (L,).

"La technique, prophétise-t-il, prétendra tôt ou tard former des collaborateurs acquis corps et âme à son principe, c'est-à-dire qui accepteront sans discussion inutile sa conception de l'ordre de la vie, ses raisons de vivre. Dans un monde voué à l'efficience et au rendement, il importe que chaque citoyen dès sa naissance soit consacré aux mêmes dieux" (FCR, La France contre les robots, Paris, R. Laffont, 1947).

"Inutile d'opposer communisme et capitalisme. C'est la même chose. Tous deux aboutissent à la même croissance de l'État, qui s'est substitué à homme comme un cancer à l'organe qu'il détruit... Bref, des régimes jadis opposés par l'idéologie sont maintenant étroitement unis par la Technique. Et un monde gagné à la Technique est perdu pour la Liberté" (F, 47).

À l'origine de cette évolution, se trouve donc, selon lui, "la déspiritualisation de l'homme, coïncidant avec l'envahissement de la civilisation par les machines, l'invasion des machines prenant à l'improviste une Europe déchristianisée" (L, 149). C'est qu'en effet, cette déspiritualisation a entraîné "la défaillance des hautes facultés désintéressées de l'homme au bénéfice de ses appétits" (F, 139), en orientant les préoccupations humaines vers "l'efficacité sur les choses" (L, 235).

"Il faut une révolution analogue à celle d'il y a deux mille ans, je veux dire une nouvelle explosion des forces spirituelles dans le monde. Il faut d'abord, et avant tout, respiritualiser l'homme. Pour une telle tâche, il est grand temps de mobiliser, en hâte, coûte que coûte, toutes les forces de l'Esprit" (F, 293).

Ce type d'analyse sur les tendances "totalitaires" des sociétés industrielles et de la civilisation technologique moderne s'est rencontré chez d'autres observateurs... Ainsi, les orientations idéologiques dont se réclamait Marcuse. Ainsi ce qu'en disait le sociologue de la technique qu'a été Jacques Ellul... 


Peintures de: George Tooker Jr. est né à Brooklyn en 1920 et est décédé dans le Vermont en 2011.