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Clotilde Lamare

Publié le 25 août 2012 par Ctrltab

Clotilde Lamare

Du fric, pas mal, 1000 krones au moins, des photos de famille, une pièce d’identité, elle était française et s’appelait Clotilde Lamare. Pas de photo d’amoureux, des cartes de visite à son nom, des papelards administratifs. Pas grand-chose à nous mettre sur la dent.

La carnet remplissait davantage ses promesses : des dessins de femmes nues au début. A la fin, beaucoup d’écritures. En français, malheureusement. Ca avait l’allure d’un journal intime. Tout d’un coup, nous avons eu honte. Nous n’y comprenions rien, certes, si ce n’est que nous venions de nous introduire dans l’intimité de quelqu’un.

J’ai pensé à elle. A cette heure, elle devait chercher, elle avait dû constater la perte de ses effets personnels. Elle devait errer dans la rue. Il était trop tard pour aller au commissariat. Il était déjà fermé. Il faudrait de toute façon attendre demain. Plus aucun de nous quatre ne voulait prendre le précieux butin. Nous nous sommes disputés pour savoir lequel d’entre nous le garderait le soir même et le rendrait le lendemain. Nous nous sentions sales.

Anders s’est fait alpagué par sa mère pour aller chercher le chat qui s’était de nouveau enfoui. Il est descendu illico presto comme un bon garçon et nous a abandonnés. Il vivait seul avec sa mère. Son père avait été tué il y a cinq ans dans une explosion de gaz. Nous n’étions plus que trois. Sulie a refusé. Elle avait bien dit que c’était une mauvaise idée. Pas question que ce soit elle qui en assume la responsabilité devant les flics. Il ne restait plus que Joaquim et moi. Autrement dit, j’étais foutu. C’était pour ma poire.

Nous sommes descendus. Anders était déjà rentré. Il portait le chat entre les mains. Des gouttes rouges perlaient sur le sol. Mort. On a assisté au désastre. Sa mère a pleuré. Elle a engueulé le chat d’être sorti, elle lui avait bien dit qu’il allait se faire écraser. Pourquoi ne l’avait-il pas écouté ? Je ne sais pas ce qui était le plus fou : qu’elle parle à son chat comme à un être humain ou qu’elle parle à un mort ? Ou qu’elle dégueule une nouvelle fois une souffrance insurmontable et injuste ?

On est vite sorti et l’on s’est séparé rapidement devant la porte d’Anders. Même lieu, même heure, demain ? Entendu. Joaquim m’a remercié. Il aurait pu éviter. Son habileté parfois me fout hors de moi. C’est mon ami mais j’aimerais parfois lui éclater son masque à la gueule. Sulie l’a suivi dans son élan, oui, merci de la faire pour nous, Hans. Les lâches ! Anders n’était déjà plus là, il était parti consoler sa mère. Maladroitement. On l’entendait du seuil. Si on n’était pas dans un tel désarroi, on en aurait pouffé de rire : « T’inquiète, maman, je t’offrirai un nouveau chat. Deux, trois, quatre, cinq, dix, si tu veux ! Un de perdu, dix de retrouvés, tu sais ! C’est comme les lapins. Tu veux peut-être un lapin ? C’est mieux, oui, ça se multiplie encore plus facilement…»

Je serrais les biens de la fille sous mon manteau. J’avais envie d’être chez moi. A l’abri des tous. De la honte. De moi-même. Dans ma chambre.


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