À propos de Cameroun: sortir du nkuta, de Cécile Metzger, sur la répression des homos.
Si la traque aux pédés qu’illustrait le mémorable Scènes de chasse en Bavière (1969) de Peter Fleischmann n’est plus (trop) de mise en Europe, l’homophobie est encore très vivace en de nombreux pays du monde, notamment musulmans, où les relations sexuelles entre personnes d’un même sexe vont jusqu’à être punies de mort. Ce n’est pas le cas au Cameroun, où l’homosexualité reste cependant un délit poursuivi en vertu d’une ordonnance de 1972 stipulant qu’elle peut valoir au coupable une peine de six mois à cinq ans de prison. Or la nouvelle Constitution du Cameroun de 1996, qui garantit les droits et la protection des minorités, entre en contradiction flagrante avec cette ordonnance. C’est en tout cas ce qu’affirme l’avocate Alice Nkom, qui a pris fait et cause pour les gays, lesbiennes, bisexuels et transgenres et qu’on voit à l’œuvre dans le documentaire tourné par la Française Cécile Metzger entre 2006 et 2008 à Yaoundé, focalisant son observation sur le procès de neuf jeunes homme dont certains ont été arrêtés sur simple dénonciation…
On pense (un peu) au formidable Cleveland contre Wall Street de notre ami Jean-Stéphane Bron, docu-fiction consacré au scandale des subprimes américaines, en assistant à Cameroun : sortir du nkuta, hélas beaucoup moins rigoureux dans l’exposé des faits et surtout dans sa forme. Si la présence d’Alice, comme celle de l’indomptable avocate de Cleveland, est un fil conducteur solide, de même que celle de Lambert l’ex-détenu qui va militer pour ses semblables après sa libération, la réalisatrice passe beaucoup trop vite sur certains témoignages, qui démarrent très fort, et embrouille son propos avec l’intervention des inévitables « spécialistes » en socio-psychologie, qui n’éclairent pas grand-chose. Sans doute courageux, le film est immédiatement nourri par des déclarations homophobes virulentes, voire hilarantes (où il est notamment question de la contamination du pays par un certain docteur) et quelques situations vécues par des femmes et des hommes ont valeur de témoignage, mais pas mal de séquences flottent ou se perdent en bavardages « à la française », comme le discours sur dominants et dominés qui tombe à plat.
Par ailleurs, la chose frise parfois l’amateurisme du point de vue de la réalisation, ce que les « bonnes intentions » ne suffisent certes pas à excuser. Une séquence filmée à la sauvette, au tribunal, de dessous un banc ou tout comme, acquiert cependant une sorte de valeur « héroïque » en captant hors-champ l’engueulade homérique de l’avocate Alice et du juge. À préciser enfin que l’expression « sortit du nkuta », littéralement sac aux secrets, équivaut en français à « sortir du placard » ou, en anglais dans le texte : à faire son coming out…
Cécile Metzger. Cameroun: sortir du nkuta. France /Cameroun, 2009.